Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De toutes les leçons tirées d’une défensive souvent malheureuse, une se dégageait pour tous, qui pouvait le mieux assurer l’autorité d’un Foch, infatigable apôtre de l’offensive. De la pratique forcée de la défensive se fortifiait ou s’exaltait chez tous l’esprit offensif. Sans cesse au milieu des armées qui, de mars à juillet, subissaient les attaques de l’ennemi, j’ai vu, des généraux commandants d’armées aux plus modestes soldats, tous frémir d’impatience en face de cette « éternelle défensive » qu’imposait l’événement. Mais quoi ! pouvait-on, avant que tout au moins l’égalité des effectifs et des moyens ne fût assurée, tenter l’aventure ? Prudemment, les grands chefs refrénaient leur propre ardeur. Mais, de semaine en semaine, partout, du « rang » aux états-majors, grandissait et s’affirmait le désir passionné de se jeter à son tour à l’assaut. Que fallait-il pour cela ? Qu’un échec ou même un demi-échec de l’ennemi le livrât soudain décontenancé à une vigoureuse contre-attaque. Et c’est parce que chacun attendait la grande minute, que la contre-offensive heureuse d’un Mangin entre Courcelles et Méry, le 11 juin, avait, si limitée qu’elle eût été, fait tressaillit chacun de joie et d’espoir. Moralement et matériellement, les armées alliées sont prêtes, dès qu’un échec grave de l’attaque allemande le permettra, à passer avec allégresse et succès à l’offensive.


Nous savons déjà, et je répétais tout à l’heure, qu’un Foch n’a pas besoin d’être encouragé à la décider. Nous l’avons vu le concevoir, la préparer, en imposer le principe à ses lieutenants au lendemain même de son intronisation. Sans doute, tant que l’armée ennemie attaque en force, est-il contraint de concevoir cette offensive comme partielle et limitée : encore lui donne-t-il toujours dans son esprit d’assez larges limites. Il est tout il contraire d’un casse-cou. On ne prend point l’offensive pour à plaisir de la prendre : on la prend au moment utile à l’endroit qu’il faut ; mais le moment approche, et déjà le chef a les yeux fixés sur l’endroit où frapper.

Il a, par de formelles instructions, paré à de nouvelles attaques : parce qu’elles se peuvent produire en Artois comme en Champagne, il a gardé ses réserves à l’Ouest du méridien de Château-Thierry, prêtes à se porter en renforts sur la Somme,