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ses expériences sur les cristaux et ses recherches pour la production artificielle de l’acide racémique, — obligé d’acquérir lui-même les instruments nécessaires à ses travaux, car il ne recevait pour « frais de cours » que 1 200 francs par an, sur lesquels il devait prélever le salaire de son garçon de laboratoire [1]. Plus tard ce fut à la Faculté des lettres que « dans une atmosphère d’engouement et d’enthousiasme, » Fustel de Coulanges donna ses leçons sur la Cité antique : 300 auditeurs se réunissaient régulièrement au pied de sa chaire, et « des élèves à barbe grise prenaient des notes avec l’ardeur de la vingtième année. » Le souvenir de Pasteur et de Fustel de Coulanges suffit à illustrer les Facultés françaises de Strasbourg ; mais il faut aussi rappeler les noms, — presque tous alsaciens, — de Reuss, de Schmidt, de Jung, à la Faculté de théologie protestante, de G. -F. Schutzenberger, d’Aubry, de Rau à la Faculté de droit, de Hirtz, de Sedillot, de Küss à la Médecine, de Daubrée et de Schimper aux sciences. Ainsi se maintint jusqu’en 1870 la réputation scientifique de l’Alsace.


II. — L’UNIVERSITÉ DE L’EMPEREUR-GUILLAUME

Dans sa séance du 24 mai 1871, un mois avant que la situation de l’Alsace-Lorraine dans l’empire fût définitivement réglée, le Reichstag émettait le vœu qu’il fût fondé à Strasbourg une Université modèle dont les maîtres, choisis parmi les plus éminents de toute l’Allemagne, seraient « les pionniers de l’esprit allemand. » La charte de la nouvelle Université et son statut provisoire furent promulgués l’année suivante. La fête de l’inauguration eut lieu le 1er mai 1872.

Ce jour-là, il y eut des harangues, des cortèges, des hoch et des beuveries. Les étudiants accoururent de toutes les parties de l’empire avec leurs bannières, leurs insignes et leurs rapières. Les « Masures » de Kœnigsberg, les « Teutons » de Giessen, les « Vandales » et les « Suèves » de Heidelberg défilèrent, bottés, éperonnés et balafrés, par toutes les rues de Strasbourg. Le soir, quand leur retraite aux flambeaux passa sur la place Gutemberg, quelques coups de sifflet retentirent dans la foule. Un peu plus loin, près du château, nouveau coup de sifflet. Cette fois,

  1. R. Vallery-Radot, La Vie de Pasteur.