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avait négligés. Notes et appendices offrent au lecteur les renseignements les plus précis, quelques-uns tout neufs. Une introduction savante et plaisante résume la vie de l’auteur. C’est bien travailler et protester contre l’odieux tripatouillage du passé, qui naguère était à la mode : est-ce fini de cette mode ? on le dit ; que ne dit-on pas ?…

Louis-Henri de Loménie était né le 13 janvier 1636. Le comte de Brienne, son père, avait de l’art dans l’existence. Il savait garder la bienveillance de la reine Anne d’Autriche sans offenser le cardinal de Richelieu. Il avait aussi des principes, et qui ne le rendaient pas maladroit dans les circonstances les plus variées. Il avait de l’énergie et de la prudence. Mme de Brienne avait de la vertu, dans le moment que la cour en avait aussi ; et plus tard, quand la cour devint très folâtre, Mme de Brienne eut, par son âge, l’excuse de son austérité. Louis-Henri sera bien élevé, soigneusement préparé à la vie morale et intrigante.

À sept ans, il fut placé comme enfant d’honneur auprès du petit roi. Les enfants d’honneur formaient une compagnie que commandait, la pique à la main, tambour battant, une ancienne femme de chambre du Dauphin, la demoiselle Guiraude de la Salle. Elle mettait un hausse-col sur son mouchoir bien empesé et bien tiré, elle se coiffait d’un chapeau à plumes noires, elle portait l’épée ; et, quand les jeunes soldats avaient bien fait l’exercice du mousquet, la bonne dame-capitaine se penchait pour les embrasser. L’éducation du jeune roi n’était pas menée avec méthode, soit que la reine fût d’avis qu’un roi n’eût pas besoin de savoir tant de choses, soit que les politiques et Mazarin n’eussent aucun désir d’être gênés un jour par un roi qui voulût et sût gouverner. Plus tard, quand Louis XIV, après la mort de Mazarin, prendra la résolution d’être enfin le maître, il aura le soudain génie de connaître son insuffisance et d’y remédier. Il se mettra donc à l’étude, écolier tardif et qui se hâte avec un zèle quotidien. Mme de La Fayette le dit, dans son Histoire de Madame Henriette : « Le roi s’appliquait à prendre une connaissance exacte des affaires et il donnait à cette occupation la plus grande partie du jour. »

Le 15 décembre 1662, Pierre-Daniel Huet, qui sera évêque d’Avranches et qui pour le moment compose des prolégomènes à Origène, écrit à son ami Ménage : « Vous me donnez de la joie en m’apprenant que le roi étudie. S’il pouvait prendre quelque goût aux lettres, il y aurait quelque espérance que la barbarie qui nous menace soit reculée du moins de quelques années ; mais cela est