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LES NOUVEAUX OUVRAGES DU PORT ET LA CONCURRENCE DE KEHL

Outre sa position géographique, Strasbourg, en tant que ville industrielle, se prêtait admirablement à l’établissement d’un port. Tout d’abord, les charbons de quatre centres producteurs différents se font concurrence sur le marché de la place. Les charbons de la Ruhr et d’Angleterre y remontent par le Rhin, les houilles de la Sarre et de Belgique l’atteignent par canal. Les minerais de fer de la Lorraine, la potasse de Mulhouse sont à la portée de Strasbourg, ainsi que les produits des aciéries du bassin de Thionville, les bois des Vosges elles produits agricoles de la riche plaine d’Alsace. Il est juste de reconnaître en outre que la ville a été servie par une administration municipale intelligente. Le prix de l’énergie électrique est très modique ; la majorité des actions de la Société productrice appartient à la ville. Celle-ci s’est assuré d’une manière analogue une influence prépondérante sur la fixation des tarifs de l’usine à gaz et de la Société des tramways qui, reliant à la capitale les communes très populeuses des environs, lui garantissent une main-d’œuvre abondante et avantageuse. Il n’est pas étonnant que le port du Rhin ait eu du succès. Il fut inauguré en 1902 et couvre, avons-nous dit, une superficie de 123 hectares ; il est admirablement desservi par des appareils mécaniques très modernes : grues roulantes électriques, élévateurs, entrepôts à grain avec silos, ascenseurs électriques, treuils, glissières de sacs, etc. ; des minoteries très importantes, et des laminoirs de tôle se sont installés autour du port. Mais déjà celui-ci ne suffit pas au trafic actuel. Un nouveau projet prévoit l’aménagement d’une surface de 53 hectares.

Un point noir se lève cependant à l’horizon du port de Strasbourg ; sur l’autre rive du Rhin, dont les eaux magnifiques coulent entre deux minces lignes de peupliers, le grand-duché de Bade a édifié un port sur la commune de Kehl. Tel qu’il est placé, ce port présente des commodités supérieures à celui de Strasbourg ; il se compose de deux bassins se trouvant à la hauteur d’un coude du fleuve ; l’accès de Kehl est plus aisé que celui de Strasbourg. Il n’est pas douteux que les Allemands, maintenant qu’ils n’auront plus aucun intérêt à ménager la capitale alsacienne, vont lui faire une concurrence