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exigeait de ses membres le maximum de labeur dont chacun était capable. Chez ces hommes rudes, constamment aux prises avec les difficultés de l’existence, personne ne pouvait s’affranchir de la loi du travail. La charité elle-même était chose inconnue. Celui que la maladie condamnait à l’inaction ne pouvait espérer aucune assistance. S’il était économe, s’il avait su mettre en réserve un certain nombre de bons de crédit, il pouvait attendre pendant quelques mois le retour de sa santé. Et encore n’avait-il pas le droit de rester trop longtemps dans l’inaction : les bons de crédit n’étaient valables que pendant un an, à dater de leur délivrance. Passé ce délai, leur valeur était acquise à la caisse de la République. Les malades, qui avaient épuisé leurs bons ou qui n’avaient rien épargné sur le fruit de leur travail, devaient se résigner à attendre la mort dans leur hutte.

Ces impitoyables mesures avaient été édictées par un comité de vingt-cinq membres, issu du suffrage universel. C’était en quelque sorte un corps législatif, chargé d’élaborer les lois qui devaient gouverner la fédération.

Il élisait, tous les trois ans, deux Présidents placés à la tête de la République dont ils dirigeaient les affaires et nommait deux juges dont le rôle était aisé. En effet, presque tous les délits étaient punis de mort et l’exécution suivait immédiatement le jugement. Trois hauts fonctionnaires étaient chargés, le premier d’approvisionner les magasins en vivres, en outils et en vêtements, le second de répartir le travail entre tous les membres de la communauté et de surveiller l’exploitation des gisements aurifères, le troisième d’écouler à l’étranger, et généralement en Chine, en Corée ou en Sibérie, l’or amoncelé dans les entrepôts de l’association.

Ces dernières fonctions étaient fort délicates. On les confiait le plus souvent à un des mandarins déportés qui étaient venus rejoindre les Khoungouses. Grâce à sa connaissance du personnel administratif de la Chine, celui-ci parvenait facilement à se créer des intelligences parmi les mandarins chargés d’administrer les provinces mandchoues. Avec leur complicité, achetée à prix d’or, il expédiait le métal précieux qui circulait au mépris des sévères règlements édictés par le Gouvernement de Pékin contre les trafiquants d’or. Au retour, les convois apportaient sous l’œil bienveillant des intègres mandarins chinois