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dans le massif du Tchan-bo-Chan, à l’endroit où il sépare la Soungari et le Yalou ; la troisième enfin sur les bords de la Chetouga, affluent de l’Amour.

La loi chinoise réservant au Fils du Ciel le produit des mines d’or, le gouvernement de Pékin recruta partout des mineurs pour les envoyer en Mandchourie. Des milliers de travailleurs chinois quittèrent ainsi leur pays. Les mandarins, chargés de diriger la nouvelle exploitation, établirent dans les régions aurifères des magasins de vivres et d’outils, édifièrent de vastes casernes dont il reste encore des ruines, créèrent des routes à travers les montagnes et les forêts pour faciliter le ravitaillement des mineurs, mais ne purent, malgré leurs efforts, assurer un service régulier de vivres.

Des famines terribles décimèrent les ouvriers, qu’éprouvait déjà le climat de cette région, torride l’été, glacial l’hiver. A peine vêtus, mal traités, éloignés de leurs familles qu’ils n’avaient aucune espérance de revoir, ces malheureux se laissèrent aller au désespoir. Beaucoup se suicidèrent. Les plus courageux s’enfuirent dans les forêts voisines, bravant la peine capitale qui attendait les déserteurs lorsqu’ils étaient repris, ou que la faim les ramenait aux mines. Ce furent les premiers Khoungouses.

L’existence de ces malheureux était singulièrement dure dans les montagnes. Sans vivres, sans vêtements, sans abris, ils devaient vivre des maigres ressources que la forêt leur offrait. Il leur fallait, en outre, se défendre contre les attaques des bêtes féroces qui pullulent dans cette région. Beaucoup d’entre eux devinrent la proie des loups, des ours, des panthères et surtout des tigres qui attaquent les indigènes jusque dans leurs villages.

Cependant, le nombre des Khoungouses augmentait avec rapidité, en dépit de leur misérable sort. Les mineurs désertaient les placers par centaines, sans que les mandarins, chargés de l’exploitation des terrains aurifères, pussent songer à les poursuivre dans les forêts. Pour les remplacer, ils réclamaient sans cesse de nouveaux ouvriers à Pékin. Mais ce qui se passait sur les placers avait fini par être connu jusqu’en Chine, malgré la distance. Personne ne voulait plus se rendre en Mandchourie, et le gouvernement chinois se vit dans la nécessité de ramasser les mendiants, les vagabonds, pour les expédier