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active, s’ils y étaient conviés. En fait, les bolchevistes moscovites n’ont pas eu de collaborateurs plus fidèles, plus dévoués que les Célestes dont le nombre s’est d’ailleurs considérablement augmenté en Russie lorsque l’Extrême-Orient a eu connaissance de l’expérience qui se poursuivait dans ce pays.

Il doit certainement se trouver parmi ces Orientaux des hommes qui ont appartenu à la République de la Chetouga, créée vers le milieu du XIXe siècle en Mandchourie par les Khoungouses.

Cette République peut être considérée comme la première expérience bolcheviste que le monde ait connue. Lénine et Trotsky n’ont rien créé. Ils n’ont fait que s’inspirer, en les exagérant, des principes qui ont présidé à la fondation de la Fédération de la Chetouga, créée par des chercheurs d’or de Mandchourie, désireux de se réserver les bénéfices de leur lucrative industrie, que les mandarins de la cour de Pékin entendaient s’attribuer. Encore les créateurs de cette Fédération avaient-ils l’excuse d’agir sous l’empire de la nécessité, alors que rien ne justifiait l’entreprise néfaste des chefs du bolchevisme en Russie.

Lorsqu’à mon retour de Mandchourie, en 1905, la Société des Amis de l’Université me demandait de faire, à la Sorbonne, une conférence sur les Khoungouses, je ne me doutais guère qu’une douzaine d’années plus tard, une des plus grandes puissances européennes serait la proie d’illuminés sociaux dont les théories laisseraient bien loin derrière elles les principes communistes de la République de la Chetouga.


c’est vers le milieu du XIXe siècle que la cour de Pékin commença à se préoccuper des riches placers aurifères de la Mandchourie septentrionale. Cette région glacée était presque inconnue des Célestes eux-mêmes, lorsque des marchands mandchous apportèrent à Pékin des pépites d’or dont quelques-unes valaient jusqu’à 10 000 francs. Le gouvernement s’en émut et fit interroger les voyageurs qui durent indiquer les endroits où l’or se trouvait en aussi grande abondance.

On apprit ainsi qu’il existait, en Mandchourie, trois régions aurifères particulièrement riches. L’une d’elles était située dans le bassin de la Soungari, près de la frontière russe ; la seconde