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II


LES BORDS DE LA MEUSE


L’heure de paix émue et de soir qui se fane,
Entre toutes ses sœurs est la plus diaphane.
Le soleil disparu laisse flotter encor
Sur la côte du fleuve un long poudroiement d’or ;
Les deux ailes au large, une barque tranquille
Glisse sa nonchalance à la pointe d’une ile ;
Et l’ombre de la barque et de l’ile aux roseaux,
Afin de nous montrer l’âme vaine des choses,
Se reflète au miroir silencieux des eaux.
Puis, tout s’estompe et meurt. La terre est au repos.
Deux étoiles d’argent dans le ciel sont écloses.

III


FORGERON DE CAMPAGNE


Dans l’atelier sonore où l’ombre s’est accrue,
Les énormes marteaux sur l’enclume ventrue
Battent leurs derniers coups, et l’heure qui s’endort
S’allonge en un linceul léger de pourpre et d’or.
Trouant le crépuscule avec sa tête noire,
Vers le gué communal où les bêtes vont boire,
Le forgeron descend la route de cailloux.
Son tablier de cuir le ceint jusqu’aux genoux.
Il dévêt, lentement, sa massive encolure,
Et, vibrant, musculeux, nu jusqu’à la ceinture.
Il inonde à grande eau le bronze de sa chair.
Le jour s’éteint, le vent fraîchit, l’Angélus tinte,
Des bœufs, montant du val, poussent leur longue plainte
Et martèlent la nuit de leurs sabots de fer.


PENSÉES POUR LES MORTS


Mon ami, je ne pleure, en ce soir, ni tes yeux
Où je voyais jaillir l’idée en un sourire,
Ni ta bouche chantante et qui savait bien dire,