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du commerce, doit garder un caractère international et ne devenir la possession exclusive d’aucun État. La souveraineté turque peut y être maintenue, puisque l’élément turc y est nombreux, à la condition que ce soit une souveraineté assistée et contrôlée. Le départ du Sultan signifierait hautement que le petit État ottoman d’après la guerre n’est plus l’empire d’autrefois. A ce symbole il serait juste d’en ajouter un autre qui en soulignerait la signification : les anciennes églises chrétiennes d’avant 1453 seraient rendues aux chrétiens et réparties entre les diverses confessions, tandis que les mosquées bâties par les conquérants seraient assurées aux musulmans.

Que le Sultan doive abandonner Constantinople pour s’établir à Brousse, où fut avant 1453 la capitale de ses ancêtres et où l’on admire encore leurs tombeaux, ou à Koniah, sur les plateaux anatoliens, où régnèrent jadis les Seldjoucides, il ne s’ensuit pas que l’Etat ottoman disparaisse. Nous croyons que son maintien, depuis les frontières de la Bulgarie jusqu’au Taurus, à l’Anti-Taurus et à une ligne passant un peu à l’ouest de Sivas et aboutissant à la Mer Noire en un point situé approximativement au nord de cette ville, constitue la plus simple et la plus juste des solutions. Le peuple turc a, comme les autres, le droit de n’être pas soumis, là où il est en majorité, à une domination qu’il répudie ; mais, comme nulle part on ne le trouve à l’état isolé, mais en combinaison avec d’autres éléments ethniques et que, d’ailleurs, il s’est montré, depuis cinq siècles, incapable de bonne administration et de progrès, la nécessité s’impose de lui prêter assistance et de lui imposer un contrôle. La Société des Nations donnerait ce mandat, selon les régions géographiques, à diverses puissances.

La région côtière qui borde la mer Egée, avec ses îles et ses presqu’îles, appartient au domaine de l’hellénisme. L’Anatolie, sur moins de dix millions d’habitants, compte presque trois millions de Grecs, dont la grande majorité est concentrée dans la région de Smyrne, depuis le golfe d’Adramit jusqu’à la péninsule qui s’avance au devant de l’ile de Rhodes. Ces Grecs, que les premières invasions turques avaient chassés dans les îles, sont revenus peu à peu sur le continent : d’abord pasteurs, puis commerçants et agriculteurs, ils se sont répandus sur les côtes, puis ils se sont infiltrés assez avant dans