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leur apporter cette assistance avec ses charges et ses avantages.

Que les Turcs, Vieux ou Jeunes, n’aient rien appris par cette guerre, qu’ils n’en aient nullement compris le sens et la portée, c’est ce que prouve le mémoire présenté à la Conférence de la Paix par la mission ottomane, qui a séjourné quelques jours à Vaucresson et qui, rappelant tous les droits de souveraineté du Sultan sur son Empire, concluait en demandant le rétablissement complet de son intégrité territoriale. Les plénipotentiaires comprirent qu’il fallait rassurer les populations qui, depuis la victoire des Alliés, se croient certaines de leur émancipation et parmi lesquelles des agents jeunes-turcs et allemands faisaient courir des bruits alarmants, en même temps que des bandes turques et même des troupes organisées attaquent les chrétiens et travaillent à achever l’œuvre de mort des Talaat et des Enver. La réponse vigoureuse, incisive, qui est signée Clemenceau, mais qui porte la marque de « l’humour » britannique, est de nature à produire dans toute l’Asie et dans tout l’Islam une profonde sensation ; elle ne laisse aucun doute sur l’accueil que les vainqueurs réservent aux prétentions turques. Il faut citer quelques lignes de ce document historique, qui sonne le glas de l’Empire ottoman en tant que grande puissance politique :

« Le Conseil... est bien disposé envers le peuple turc dont il admire les excellentes qualités. Mais il ne peut compter au nombre de ces qualités l’aptitude à gouverner des races étrangères. L’expérience a été trop souvent et trop longtemps répétée pour qu’on ait le moindre doute quant au résultat. L’histoire nous rapporte de nombreux succès turcs et aussi de nombreux revers turcs... Dans tous ces changements, on ne trouve pas un seul cas, en Europe, en Asie, ni en Afrique, où l’établissement de la domination turque sur un pays n’ait été suivie d’une diminution de sa prospérité matérielle et d’un abaissement de son niveau de culture ; et il n’existe pas non plus de cas où le retrait de la domination turque n’ait été suivi d’un accroissement de prospérité matérielle et d’une élévation du niveau de culture. Que ce soit parmi les chrétiens d’Europe ou parmi les mahométans de Syrie, d’Arabie et d’Afrique, le ! Turc n’a fait qu’apporter la destruction partout où il a vaincu ; jamais il ne s’est montré capable de développer dans la paix ce qu’il avait gagné par la guerre. »