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Il s’en fallut du tout. Le Haut Commandement français entendait bien que l’avance allemande s’arrêtât là. C’était déjà trop d’avoir perdu les massifs de Thiescourt et de Ribécourt. Mais la ligne au sud de Ribécourt était évidemment ébranlée ; si on comptait sur les troupes engagées là pour couvrir Compiègne, on s’exposait peut-être à un nouveau mécompte. Mieux valait profiter de l’avantage que nous offrait la résistance de notre gauche ; l’Allemand engagé vers l’Aronde et le Matz offrait le flanc. On l’arrêterait plus sûrement par la manœuvre sur le flanc que par la résistance de front.

Le général Fayolle, qui surveillait et dirigeait de haut toute cette bataille, l’entendit ainsi. Le 10, à 16 heures, il décidait de concentrer rapidement 4 divisions sur la gauche de la 3e armée : ces forces furent rassemblées dans la zone comprise entre Maignelay et Estrées Saint-Denis et, avec une prodigieuse rapidité, l’attaque fut montée. Le général Mangin appelé à en prendre le commandement, s’établit à Pronleroy. On lui donnait quelques chars d’assaut avec lesquels, le 11, à 4 heures, il attaqua brusquement. Malgré la résistance acharnée des Allemands, nos troupes pénétrèrent dans leurs lignes, emportant les positions jalonnées par la ferme de la Garenne, le bois de Genlis, les hauteurs entre Courcelles et les abords du Fretoy, faisant 1 000 prisonniers et enlevant 16 canons. Hutier avait dû engager une de ses divisions de réserve (la 206e ) pour recueillir, au nord de Lataule, les débris des 30e et 19e divisions qui refluaient devant nos chars d’assaut. Le soir même, la 17e division de réserve à son tour était engagée au sud de Lataule pour relever la 19e décimée et en mauvais arroi. Ainsi notre contre-attaque avait-elle, entre autres conséquences, celle d’user en quelques heures les réserves de l’assaillant.

Les Allemands surpris restèrent ébranlés par l’irruption dans leur flanc du groupe Mangin. Humbert donnait l’ordre d’en profiter : dans la journée du 12, nous enlevions les positions marquées par les bois au sud de Belloy jusqu’à la ferme Saint-Maur ; dans celle du 13, nous refoutions dans le Matz l’ennemi en train de progresser dans la région du bois de Gaumont et de Rimberlieu. Du coup, il sembla décidément arrêté.

Une question se posait ; poursuivrions-nous une si heureuse contre-offensive ? Elle avait produit un immense effet moral et