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paix des 6e et 14e arrondissements, dont un grand nombre, aujourd’hui encore, tout en assurant la sécurité de la capitale, consacrent à l’œuvre leurs instants de liberté et prélèvent chaque mois à son profit quel : jues pièces blanches sur leur modeste solde.

L’ancien séminaire de Saint-Sulpice était tout désigné pour abriter la foule des réfugiés qui se présentaient aux abords des gares. Le vaste bâtiment, devenu propriété nationale, se trouvait depuis dix ans dans un délabrement indescriptible ; tout, à l’intérieur, avait été dévasté par les passages successifs des troupes cantonnées et surtout par le séjour des inondés en 1910. Dans les locaux les moins délabrés, l’Administration dos Beaux-Arts avait entassé nombre de statues et de tableaux, en attendant la transformation du séminaire en Musée national. Une mise en étal môme sommaire exigeait de longs mois, et comme il importait de faire vite, en peu de jours, grâce à la générosité de quelques particuliers, des refuges provisoires furent organisés sur la rive gauche. Pendant ce temps, les gardiens de la paix du 6e arrondissement, chacun reprenant l’outil qu’il avait manié dans sa jeunesse, s’évertuaient à rendre habitable l’édifice ouvert à tous les vents, de telle sorte que peu à peu l’édifice se trouva rempli jusqu’aux combles de réfugiés à qui des personnes de bonne volonté s’efforçaient d’apporter quelque réconfort en attendant qu’on pût les diriger vers un refuge définitif.

Ce que furent les difficultés du début, on a peine à se le rappeler, maintenant qu’après des années de luîtes incessantes, le Secours de guerre est devenu la grande œuvre populaire vers laquelle convergent toutes les détresses et qu’un de nos ministres qualifiait si exactement de « gare régulatrice de la misère. » Assurer du jour au lendemain l’existence de près de deux mille réfugiés se renouvelant sans cesse, les vêtir, les préserver de la contagion, reconstruire pièce par pièce et aménager l’ancien séminaire dévasté, faire régner l’ordre et la décence parmi les éléments les plus hétéroclites, doter la cité naissante d’un minimum d’administrations, glaner au jour le jour l’argent nécessaire à la vie du lendemain ; lutter enfin contre les préventions auxquelles se heurte toute initiative, voilà les principaux problèmes qu’il fallut résoudre à la fois.

Avant d’aller plus loin, je voudrais par quelques chiffres qui ont toute la sèche éloquence d’un bilan, laisser mesurer à mes lecteurs l’importance de l’effort accompli. Du 10 août 1914 au 31 décembre 1918 (et sans parler du 1er trimestre de 1919) le Secours de guerre a fourni 1 774 278 journées d’hospitalisation ; il a placé plus