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ses œuvres, qui sont le Requiem, le Te Deum et la Symphonie funèbre et triomphale. Trois « grandes machines » diront les délicats. Et sans doute ils n’auront tort qu’à moitié, s’ils entendent par là que dans ces vastes décorations musicales la matière, ou le matériel sonore l’emporte quelquefois sur l’esprit ou le génie de la pure musique. « Machines » si l’on veut, mais grandes, mais grandioses même. Il faudrait les « monter, » quand viendra le jour des suprêmes actions de grâces, sous les voûtes et sons la coupole du Panthéon. Le Requiem serait pour les morts ; le Te Deum pour les. vivants ; la Symphonie funèbre et triomphale pour les vivants et pour les morts, tous également victorieux. et ce jour-là, nos drapeaux eux-mêmes frémiraient au souffle de la marche finale du Te Deum, écrite pour eux il y a trois quarts de siècle, magnifique hommage à leur gloire. d’autrefois, que leur gloire d’hier a surpassée.

Pour nos morts bien-aimés, après ces honneurs éclatants, souhaitons-nous des prières plus discrètes et de plus pieux recours ? Demandons alors d’entendre, non pas certes au Trocadéro, ni même au Panthéon, mais dans cette chère et vieille salle du Conservatoire, où pas un son ne se perd, une exécution du Requiem qui forme la première partie de Mors et Vita, de Gounod. Presque toutes les pages en sont dignes de notre deuil, et l’exorde, l’exorde grandiose : « Ego sum Resurrectio et Vita, » n’est pas inégal à l’infini de notre espérance. Enfin, s’il est des âmes trop douloureuses, dont un concert, fût-il religieux, irriterait la douleur, pour celles-là je sais une exquise musique, apaisante et consolatrice, un Requiem français encore, celui de M. Gabriel Fauré. Vous qui pleurez dans le secret de vos demeures, pères, mères, épouses, c’est ainsi que vous pourrez le lire ou récouter. Plus tendre, plus intime que tout autre, il est mieux fait aussi pour pleurer avec vous sur des êtres jeunes, purs, et qui ne sont plus.


CAMILLE BELLAIGUE.