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finale. Il commence en trio pour s’achever en septuor. Et chaque entrée d’un nouveau personnage renouvelle aussi les éléments ou les ordres sonores : mélodie, rythme, orchestre. Enfin l’esprit symphonique anime chacune des parties et gouverne l’ensemble. Il compose tout, sans rien compliquer. Comme toujours, il développe, mais ne délaye pas. Et qu’un chef-d’œuvre tel que ce finale en soit un à la fois de musique de théâtre et de musique tout court, cela témoigne une fois de plus de cet équilibre, de ce concert, où nous avons reconnu tout à l’heure un caractère éminent du génie de Mozart.

« Pour du sentiment, c’est un jeune homme qui... » dit Suzanne encore, de Chérubin cette fois. On ne le redira jamais assez du jeune, de l’immortellement jeune Mozart. Si, par le mouvement et par l’esprit, sa comédie lyrique est l’égale de l’autre, elle la surpasse, de très haut, par la sensibilité. Sensible lui-même à la musique. Stendhal, un des premiers, a clairement vu la métamorphose, ou la transformation du sujet original. Moins de vingt ans après la mort de Mozart, il écrivait déjà : « L’opéra de Mozart est un mélange sublime d’esprit et de mélancolie, tel qu’il ne s’en trouve pas un second exemple... » Un peu plus loin : « Comme chef-d’œuvre de pure tendresse et de mélancolie, absolument exempt de tout mélange importun de majesté et de tragique, rien au monde ne peut être comparé aux Nozze di Figaro. » C’est la même idée que devait reprendre, sous une forme plus brillante, un maître critique de notre temps. Victor Cherbuliez estimait qu’aux grelots de la marotte de Figaro l’auteur des Noces avait ajouté des clochettes d’or ; à travers ou plutôt au-dessus d’une comédie qui réjouit l’esprit et l’excite, il goûtait « les enchantements d’une musique qui fond le cœur. » Elles abondent au cours de la partition, les cantilènes enchanteresses : c’est le Non so più et le Voi che sapete de Chérubin ; ce sont les deux airs de la comtesse. Le vulgaire traite ceux-ci d’ « ingrats. » Pourtant, que ne rendent-ils pas à la cantatrice qui sait, comme Mme Ritter-Ciampi. leur donner le caractère qui leur sied et le style qu’il leur faut ! Quant au petit page, « son âme entière, » dit encore Stendhal, « est indiquée » en ses deux chants, inquiets, troublés tous les deux, le premier d’une inquiétude plus extérieure, le second d’un trouble plus intime, plus profond et plus mystérieux. Du Voi che sapete surtout, sans parler de la mélodie elle-même, de son ordonnance, de son évolution, il n’est pas un détail, harmonique, instrumental, qui n’ajoute un trait, une lumière, une ombre, à la délicieuse figure de l’adolescent frère de Psyché, comme elle curieux, rêveur et penché sur l’amour.