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LES MERVEILLEUSES HEURES D’ALSACE ET DE LORRAINE.

Novembre 1918. » Aucune ville peut-être plus ornée : les rues transformées en avenues de sapins enrubannés, et, le soir, illuminées, — un gigantesque arbre de Noël dressé au seuil de l’Alsace. Le général français arrêta son cheval devant le palais princier des Rohan, cette caserne où le petit ober-lieutenant avait proféré l’outrage. — Et c’est là que défila la troupe de la Revanche.

Ainsi, de Saverne, à Guebwiller, les Vosges ainsi que leurs contreforts étaient en deux jours redevenus français. Les morts de l’Hartmannswillerkopf et du Linge étaient vengés. La montagne de Sainte-Odile dressait sa masse sombre au-dessus de la plaine où déjà bataillons, escadrons et batteries s’acheminaient vers Marckolsheim, Strasbourg et Haguenau. Sur le sommet du célèbre sanctuaire un drapeau tricolore flottait sur le ciel admirablement bleu, miraculeusement bleu pour ces jours de fin de novembre ; mais tout était miracle.

LA VIGILE DE METZ

Le quartier général de Mangin, ce 18 au soir où j’étais de retour de Mulhouse par les Vosges en fête, offrait le plus émouvant aspect. On se préparait à entrer à Metz le lendemain, et tel était le caractère qu’on pressentait à cette entrée en cette ville religieuse et comme sacrée, tels étaient les sentiments qui, d’avance, se donnaient licence dans nos cœurs, que l’on s’y préparait comme à un sacrement. « Ne vous croyez-vous pas, disais-je à un ami rencontré là, ne vous croyez-vous pas à la veille de quelqu’une de ces fêtes de l’âme que nous avons connues, — un catholique dirait la veille d’une première communion ? »

Les nouvelles qui venaient des premiers villages, bourgs et cités de Lorraine occupés, nous faisaient en effet pressentir facilement l’esprit dans lequel la grande ville lorraine nous allait accueillir. À Jouy-aux-Arches, — banlieue de Metz, — le 140e avait été, le 17, reçu avec une émotion profonde par un des incarcérés d’Ehrenbreistein, M. Jules Antoine ; les soldats, abordés sur le mode sentimental par les petites Lorraines, en restaient pénétrés : quelques jours après, un de ces soldats à qui l’on demandera « s’il veut bien donner la cocarde tricolore qu’il porte, » répondra avec émotion : « Je ne la donnerais pas pour un sac d’or : je la garde comme souvenir, car c’est d’une