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serait souhaitable, car les plus gros de nos emprunts consolidés ayant été émis très au-dessous du pair, leur conversion éventuelle ne pourra être envisager, si elle doit l’être, que dans Un temps très éloigne. On ne peut que regretter qu’une politique financière plus prévoyante n’ait pas su réserver ici au Trésor, sans surcharge présente, une précieuse décharge d’avenir.

Quant au mouvement des valeurs, comment en présager le sens et l’influence sur notre dette en capital ? Plaçons-nous au jour où, l’ « inflation » ayant disparu, le renchérissement actuel et temporaire des prix aura été résorbé ou stabilisé : verrons-nous alors la valeur de la monnaie métallique, régulatrice des prix, reprendre cette marche à la baisse, d’ailleurs coupée d’incidentes réactions, dont les siècles passés ont été les témoins ? Les belles études, si savantes et si vivantes à la fois, de M. le vicomte d’Avenel, nous enseignent en effet que cette valeur était six fois plus grande en l’an 1500 qu’en 1900, trois fois plus en 1750, deux fois en 1800. De 1800 à 1900, la valeur de la livre sterling, comme celle du franc, a baissé de moitié : on conçoit donc que les 885 millions sterling de la dette britannique de 1815 aient fait, aux yeux des Anglais de 1900, l’effet de quelque chose de beaucoup plus modeste qu’ils n’avaient paru à ceux des contemporains de Wellington.

Si le mouvement de dépréciation de la monnaie métallique devait continuer du même pas, il est clair que dans cent ans d’ici nos 130 milliards de dette de guerre, qui nous paraissent aujourd’hui si monstrueux, ne manqueraient pas de sembler assez modiques aux regards de nos arrière-neveux ; le jour où le capital de la France aurait doublé de valeur par le jeu de cette dépréciation, le rapport entre ce qui nous resterait alors de dette publique et ce qui serait alors notre capital national n’aurait plus rien d’effrayant. Mais le mouvement se poursuivra-t-il ? Rien n’est moins sûr. Le fait que, ces dernières années, la production de l’or, au lieu d’augmenter comme autrefois, a diminué, doit donner à réfléchir ; et tandis que la production décroit, les besoins d’or ne cessent de s’accroître dans le monde. Ne verra-t-on pas à l’avenir un temps d’arrêt, sinon un rebroussement, dans la marche à la dépréciation des métaux précieux ? Il ne serait guère prudent en tout cas d’escompter que la roue de la fortune continuera toujours de