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LA VIE POSTHUME
DE
M. DE CAMBRAI

M. de Cambrai, de son vivant, passa pour un homme complexe. Saint-Simon, qui ne consentait pas volontiers que les âmes restassent pour lui des énigmes, fit le tour de celle-là plutôt qu’il ne la pénétra. Les sentiments mêlés qu’il éprouvait l’empêchèrent, semble-t-il, de brosser tout d’une traite le portrait de Fénelon : il procède par petites touches, qui s’additionnent, se juxtaposent, apportent chacune un peu de vérité nouvelle, de vérité qui est parfois une surprise, et qu’une autre surprise suivra. Pour se mesurer avec le Grand Roi, l’auteur des Mémoires eut assez d’un coup d’œil ; il lui fallut plus d’attention, et plus de reprises, pour se mesurer avec M. de Cambrai. « Sa physionomie rassemblait tout, écrit-il ; les contraires ne s’y combattaient point. »

Saint-Simon put connaître un tiers à peu près, — pas beaucoup plus, — de cette admirable collection d’écrits qui forment aujourd’hui les Œuvres complètes de Fénelon ; mais il vit le regard du prélat, et cela pouvait suppléer à bien des livres. Deux siècles ont passé : écrits inédits de Fénelon, documents inédits sur Fénelon, sont venus préciser certains traits de cette figure ; et l’on dirait que chaque précision nouvelle la rend plus mobile, plus insaisissable. Mais les « contraires » qu’on y relève, et qui dans un autre personnage pourraient nous décourager, Saint-Simon nous a prévenus qu’ils se trouvaient en effet dans Fénelon, et qu’ils « ne s’y combattaient point. »