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des grandeurs de chair. Élève de l’École d’Athènes, Mézières étudie à la fois l’une et l’autre antiquité, « la langue italienne pour contempler dès son berceau la littérature moderne et l’anglaise afin d’atteindre les sommets de la poésie. »

C’est encore le tableau du Temps en 1864, avec Nefftzer, l’âpre Scherer et Hébrard. Voilà enfin la république fondée. A ce moment, M. Boylesve laisse respectueusement M. Mézières, dont l’ombre n’apparaîtra plus que par intervalles, et il commence la seconde partie de son discours, qui est un éloge des lettres.

Dans un morceau fort soigné il trace le rôle de l’écrivain, qui est, lui aussi, un ambassadeur de la République, mais un ambassadeur capricieux qui doit avoir son franc parler. Toute la salle était si bien de l’avis de M. Boylesve, la vérité de sa thèse était si évidente qu’une seule chose aurait pu nous gêner en l’écoutant, c’était l’excès même de l’adhésion que nous lui donnions. Il prêchait véritablement des convertis. Cependant le silence de l’auditoire devint tout à coup plus profond et comme perceptible, ainsi qu’il advient aux passages les plus intéressants. C’est que l’orateur achevait maintenant son discours, en parlant de cette dernière année que M. Mézières a passée à Rehon, prisonnier des Allemands. M. Boylesve a décrit cette suprême épreuve dans une page simple et pathétique.

M. Henri de Régnier, qui présidait, se renversant alors dans son fauteuil, s’appuyant de biais, élevant son papier sous les rayons du jour et tournant le dos au récipiendaire, commença sa réponse. Sa voix, égale et du timbre le plus fin, conduit élégamment ses phrases flexibles et vivantes, et les suspend à une belle image, comme une guirlande à un clou d’or. Écoutez-le, ayant montré le rôle de l’Académie comme hôtesse de la pensée, parler de ses derniers élus : « C’est au même sentiment qu’elle s’est conformée, — interprète cette fois de la reconnaissance nationale, — quand elle a élu le citoyen illustre dont l’étonnante et magnifique vieillesse a vu, avec le triomphe du Droit et de la Justice, la grandeur restituée de la Patrie, et qui, tout vibrant encore de l’immense tâche accomplie par son énergie inlassable et son implacable vigilance, lorsqu’il viendra s’asseoir parmi vous, messieurs, y retrouvera les deux hommes dont les noms glorieux évoquent un éclat de victoire et en qui s’incarne, dans la plus haute dignité militaire, l’âme héroïque des armées françaises à qui nous devons la grande œuvre de la France sauvée, de la France reconquise, de la France délivrée, de la France vivante malgré ses deuils et debout, en face de l’avenir, de toute sa hauteur, plus haute que le plus haut laurier... »