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CONDAMNÉE À MORT
PAR LES ALLEMANDS


RÉCIT D’UNE COMPAGNE DE MISS CAVELL





Quand la guerre éclata, Mlle Louise Thuliez, professeur à Lille, était en vacances à Saint-Waast-la-Vallée (Nord). C’est là que l’invasion la trouva. Ayant appris que d’assez nombreux soldats alliés étaient restés dans les lignes allemandes, elle prêta son concours le plus actif aux personnes dévouées qui, avec miss Cavell, s’étaient donné pour tâche de ravitailler ces malheureux et de les aider à passer la frontière. Elle a ainsi sauvé environ deux cents soldats français, belges ou anglais. C’est pour ce « crime » qu’arrêtée en même temps que miss Cavell, elle a été condamnée deux fois à mort par les Allemands. Nous sommes heureux de donner ici le simple récit où Mlle Thuliez a retracé les phases de son odyssée, — et de rappeler que la vaillante Française vient de recevoir des mains de M. Clemenceau la croix de la Légion d’honneur et la croix de guerre.


Le 23 août 1914, Anglais, Écossais, Irlandais battant en retraite traversaient le riant village de Saint-Waast-la-Vallée. Le son des pibrochs ajoutait à la tristesse de la retraite. Les paysans belges désertant leurs villages en feu fuyaient vers la France, traînant derrière eux, outre leurs bestiaux, des charrettes où s’empilaient lamentablement des femmes, des enfants, des vieillards, des malades couchés sur la paille ; et ces fuyards se mêlaient aux soldats poussiéreux et fatigués. Le défilé dura toute la journée, les gens du village fuyaient eux aussi affolés par l’annonce que l’ennemi approchait et parce qu’on leur