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dans ces capricieux climats, le ciel, brumeux le matin, s’éclaircit vers deux heures. Un rayon dessina soudain tout le champ de bataille et se posa au centre sur la pyramide de Douaumont, à l’heure même où l’on y voyait refleurir nos couleurs. Cette lueur, dans ces jours souffrants d’un automne de la Meuse, venait dorer notre victoire. La journée se terminait par une apothéose. Et sur ce terrain héroïque, sur ces collines écorchées, couronnées par ces grands remous de nuages où se mêlaient les teintes de l’orange et du safran, le capitaine de Clermont-Tonnerre, évoquait en artiste les paysages de Greco et pensait à Tolède...


III

La bataille du 15 décembre ajouta une page illustre à l’histoire des zouaves. Ce fut leur adieu à Verdun. /Clermont-Tonnerre, alors adjoint au commandant de la brigade, n’y eut pas de rôle personnel. Peu après, il était nommé au commandement d’un bataillon.

C’était au commencement de cette année 1917, si trouble, si fertile en surprises, et qui vit peut-être la crise la plus aiguë de ces quatre ans. Au début, c’est encore l’impression joyeuse de nos victoires de Verdun et des offres de paix du 12 décembre : nous avons l’initiative ; c’est la préparation fiévreuse de la grande offensive. Puis le coup de théâtre de mars, le repli Hindenburg et la révolution russe inquiètent l’opinion, soufflent déjà le doute, on ne sait quelle alarme devant une situation devenue soudain énigmatique, tandis qu’un troisième événement, la déclaration de guerre de Wilson, n’est encore qu’une promesse à longue échéance de la lointaine Amérique.

On ne traite pas incidemment dans une parenthèse des événements si pathétiques et dont l’histoire n’est pas faite. Il semble que dès ce moment la confiance n’y était plus. Les esprits étaient partagés. Les clairvoyants conseillaient de voir venir et de temporiser. Les énergiques étaient partisans de l’action. Tout semblait incertain. La troupe seule, enflammée par ses récentes victoires, sûre « d’avoir eu le boche » et de le battre encore comme par le passé, sûre de sa supériorité sur le soldat ennemi, conservait un moral splendide.

C’est à la fin d’avril, dans le village de Revillon, un des