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Ne regrettez donc pas l’attente studieuse
Où, — bégayant encor et déjà fiancé, —
J’interrogeais pour vous l’aurore radieuse,
Où je vous demandais au couchant nuancé.

Vous étiez dans mon livre entre toutes les pages,
Dans les cendres du feu, lorsque je m’y penchais ;
C’est vous que je voyais au chaos des nuages,
Au fond des belles nuits c’est vous que je cherchais.

Je vous ai bien aimée à dix ans, — et je pense,
Aujourd’hui, vous voyant sur mon seuil triomphant,
Que mes soins d’écolier trouvent leur récompense,
Que ce bonheur est fait de mes chagrins d’enfant.

-— Et qu’importe, d’ailleurs, qu’un coin de votre robe
S’interpose entre nous et tout ce passé vain ;
Que l’avenir aussi s’estompe et se dérobe
Dans la joie et l’orgueil de ce moment divin ?

Cueillez mon heure : elle est à vous, maussade ou bonne.
Et ma veille pieuse et mon fier lendemain.
Mon cher amour, si vous voulez, je vous les donne,
Je vous les donne : ouvrez votre petite main.


RÉGIS DE BREM.