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satisfait, je vis d’autres spectacles, — et d’une belle grandeur : l’entrée à Mayence de Fayolle et de Mangin, le passage par nos troupes de ce Rhin qui derechef tient aujourd’hui dans notre verre. Mais lorsque, après ces jours où j’avais, de la Sarre au Rhin, dans ces pays séparés de nous depuis un siècle, vu un peuple incertain chercher où était la Patrie, je rentrai dans nos provinces qui, d’un seul élan, avaient désigné la leur, je sentais de nouveau me monter au cœur cette belle chaleur réconfortante et voluptueuse que ces cinq semaines en Alsace et en Lorraine ont fait connaître à tous ceux qui les ont vécues.


LES LIBÉRATEURS

De Metz, pour regagner Paris, soit par Reims, soit par Châlons, la route passe par Verdun.

En quittant Metz, on traverse les champs de bataille de 1870 où nous perdîmes, par suite de l’incurie de Bazaine et d’une mauvaise fortune, la Lorraine messine. Jadis on parcourait avec une sorte de rage sourde ces champs de bataille, Saint-Privat, Gravelotte, Rezonville, Mars-la-Tour. Maintenant le sentiment, tout en restant attristé, se rassérène : quand on a, la veille, entendu, au théâtre de Metz, (c’était mon cas), chanter la Marseillaise devant un maréchal de France vainqueur, il paraît que ces souvenirs qui, en 1914, nous restaient encore si douloureusement présents, s’éloignent dans les brumes du passé. C’est, pourtant pour y avoir sans cesse pensé, même quand elles n’en parlaient point, que les générations françaises qui ont vaincu, se sont préparées à la revanche. Aujourd’hui la revanche est consommée ; nous venons d’en voir les dernières scènes. Le cœur en reste doucement bercé, l’esprit en paix, l’âme exaltée. Quand on a vu Mulhouse, Colmar, Strasbourg, Metz dans les fêtes d’un splendide repatriement, quand on a suivi de Sarrebrück à Mayence les généraux français entrant dans les cités rhénanes, on revoit avec une philosophie apaisée les champs de Gravelotte et le monument aux morts de Mars-la-Tour. La guerre de 1870 est décidément entrée dans l’histoire.

Mais à peine a-t-on quitté Mars-la-Tour qu’on pénètre sur un autre champ de bataille et d’une autre envergure. La