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anathème jeté à qui entendit arracher la fille à la mère, cri de triomphe devant la fidélité récompensée de la fille à la mère, hommage sublime aux morts de la Grande Guerre : « Des centaines de mille .de Français sont tombés sur les champs de bataille pour que se reconstituât l’intégrité de la Patrie. Avec nous, Alsace, tu honoreras la mémoire de nos morts, car, autant et plus que les vivants, ce sont eux qui t’ont délivrée. »

Sur le perron, un groupe où tient la France : les présidents des Chambres, MM. Antonin Dubost, Paul Deschanel qui, demain, dira en termes inoubliables ce que fat l’émotion de l’heure ; l’homme d’Etat qui, depuis un an, a mené la France aux sommets où nous la voyons parvenir, M. Georges Clemenceau, celui que les poilus appellent familièrement « le Père la Victoire ; » les trois maréchaux en qui tiennent quatre ans et plus de gloire, le vainqueur de la Marne, le vainqueur de Verdun, le vainqueur de la grande bataille de France de 1918, Joffre, Pétain, Foch ; un groupe de généraux dont l’histoire consacrera les noms, de Fayolle a Gouraud ; le Haut Commissaire Maringer en qui, avec confiance, repose l’espoir de l’Alsace recouvrée ; des ministres, des centaines de représentants du peuple, sénateurs et députés dont quelques-uns viennent en cette nouvelle fête de la Fédération apporter le salut des lointaines provinces : Normandie, Bretagne, Anjou, Gascogne, Béarn, Provence, Savoie, aux provinces recouvrées ; des écrivains, des penseurs, des publicistes, représentants, eux, de la pensée française, accourus comme ces grands maîtres du haut enseignement qui, depuis trois semaines, organisent dans l’Université de Strasbourg recouvrée le grand banquet intellectuel auquel la science française, les belles-lettres françaises, l’esprit français vont convier l’Europe ; le maire et les conseillers municipaux de Strasbourg ; des délégués de toute la province ; puis, autour du perron, les vétérans d’Alsace, soldats de nos vieilles armées qui ont rejeté la pierre d’un tombeau ; les jeunes étudiants, pour une heure graves parce qu’ils sentent frémir en eux l’âme de mille aïeux ; les jeunes filles aux éclatants costumes d’Alsace et des soldats entraînés là par le reflux, une foule bigarrée qui frissonne d’un unique émoi. Quelle minute ! Un homme parle et dans trente mille poitrines bat un seul cœur. Sur le ciel pâle, la flèche d’un rouge sombre porte vers la nue