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chaussée ; des ouvrières sortaient en leur souriant ; les magasins remplis de clients avaient illuminé brillamment une devanture déjà brillante ; on y recevait l’acheteur avec une bonne grâce singulière. Tout cela, on le voyait tous les soirs dans les rues françaises de Metz ; mais ce soir-là, très subitement, ces rues parurent entrer en ébullition, chose fort rare en Lorraine. Des cortèges commencèrent à s’organiser ; des musiques jouèrent ; des gens s’abordèrent avec une expansive amitié. « C’est que, me dit-on, on sent venir le Président. »

Avec lui, c’était la France entière qu’on « sentait » venir. Car il arrivait avec les présidents des deux Chambres, le président du Conseil, ce Georges Clemenceau, aussi populaire à cette heure que M, Poincaré lui-même en Alsace-Lorraine, les maréchaux Joffre et Foch, nombre de représentants du peuple, et un fort groupe d’écrivains et de publicistes, dont il m’est agréable de dire qu’ils représentaient fort bien l’esprit français. Après les fêtes militaires, voici que se préparait une belle fête nationale : la visite de la France aux provinces rédimées.

La fête de Metz fut, ainsi qu’il convient en cette ville de guerriers, une fête surtout militaire, car le moment le plus émouvant me semble bien avoir été la remise au maréchal Pétain du bâton étoilé, aux pieds de son vaillant aîné le maréchal Ney. Ce n’est cependant pas à ce magnifique risque-tout que le Président compara le nouveau maréchal, mais très justement au grave et ferme Abraham Fabert, autre maréchal lorrain. Rien n’était plus conforme à l’esprit de Metz qu’une cérémonie militaire de ce caractère. Que le chef de l’État, dès son premier pas en ces fortes terres retrouvées, pépinières de grands soldats, nourricières d’une race si guerrière, eût tout d’abord voulu, aux pieds d’un maréchal du grand Empire et en évoquant la figure d’un maréchal de la vieille Monarchie, devant les deux premiers maréchaux de la République, donner l’accolade au grand soldat de Verdun, c’était la pensée de Lorrain, et les Lorrains de Metz, à ce trait, reconnaissaient leur homme. Il y avait aussi et surtout pensée d’État, et des plus élevées représentant de la République soit, représentant de la France, c’était encore mieux dans cette terre qui, sans distinction de partis et de confessions, allait à la France de tous les partis, à la France de tous les régimes, à la France de tous les temps,