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et au Tonkin. Il l’a appliquée lui-même avec un rare succès aux confins de l’Oranie, mais nulle part avec une telle ampleur que sur ce front de l’Atlas.

Depuis le Riff jusqu’à Agadir, sur dix-sept cents kilomètres, on rencontre ces postes, ces instruments de guerre et de diplomatie, les uns encore accrochés aux premières pentes de l’Allas, les autres déjà profondément établis dans les vallées, tantôt très rapprochés et se donnant pour ainsi dire la main, comme dans la région de Taza où l’ennemi se montre particulièrement agressif, tantôt séparés par des distances considérables, et dans une solitude complète, comme ce fort de Timhadit, placé au cœur de la forêt.

Ils se ressemblent tous. C’est sur une position dominante une enceinte de pierres, entourée d’un fossé et d’un réseau de fils de fer barbelés ; des bâtiments pour la troupe couverts de tôle ondulée et chargés de lourds cailloux pour empêcher que la toiture s’envole sous l’effort de la bourrasque ; des amoncellements de sacs, de grains, de chaux, de madriers, de matériaux de toutes sortes, destinés au poste lui-même ou à d’autres postes plus lointains ; aux angles, de petites redoutes avec des mitrailleuses et des canons ; une assez haute plate-forme pour y placer un projecteur ; et, dominant le tout, la longue perche de la télégraphie sans fil qui relie cet endroit perdu avec le reste du monde... Quelquefois un jardin, quelques fleurs, des légumes ; des arbres, si l’espace le permet ; et dans l’architecture, un détail agréable, si l’officier et les maçons qui ont construit le bordj ont eu le goût de l’égayer d’un peu de pittoresque local.


Sur le cratère de Timhadit, il y a tout juste de la place pour les approvisionnements et les hommes. La fantaisie s’est donné peu de carrière ; les bâtisses aux toits de tôle ont toutes le morne aspect des constructions du génie. Mais ce soir, la fumée du bois de cèdre qui alimente les foyers où l’on fait la cuisine, et que le vent promène à travers les bâtisses et les matériaux entassés, embaume tout cela et répand un parfum d’encens et de chapelle tout à fait inattendu dans ce réduit militaire.

Au pied du poste j’aperçois, dans une enceinte de broussailles, des feux qui brillent, des paillettes, des tentes, des