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LA
QUESTION DU SLESVIG

Pendant la première année de la guerre, je suivais la frontière que marque la Kongeaa. C’était par un jour de mars mêlé de neige fondante et de soleil et, sous un ciel immense comme sont ceux des plaines, je découvrais une grande étendue de cette terre du Slesvig. A quelques mètres de moi, s’abritait un poste allemand dans une maison basse. J’apercevais au delà un groupe de bâtiments, vieux, simples et confortables qu’on me dit être la ferme qu’habite le député au Landtag de Prusse, Kloppenborg Skrumsager. Du côté où j’étais, dans un petit bois, Skibelung Krat, se dresse la statue du roi Magnus, le fils de saint Olaf, qui, par sa victoire sur les ennemis du Danemark, assura, la sécurité de la frontière danoise. Un peu plus loin se trouve le monument qui représente la langue maternelle, une belle jeune femme qui regarde le Slesvig. Ses mains reposent sur la tête de l’historien A.-D. Jörgensen et sur celle du poète Lembcke. Histoire et poésie, c’est de cela qu’ont vécu les Danois du Slesvig, pour qui la langue danoise était le bien le plus précieux. Ils venaient parfois s’asseoir au milieu de ces arbres, sur des bancs disposés en rond pour parler et chanter librement sur le sol de la patrie. Autour, ils avaient mis les bustes des chefs qui ont soutenu le combat à leur tête et qui, aujourd’hui, sont descendus dans la tombe. Tous, ils ont espéré que la captivité prendrait fin, sans jamais défaillir, sans jamais douter de la justice ; ils sont morts en croyant que, pourvu qu’on ait la patience d’attendre, même dans les choses humaines, l’équité et le droit finissent par triompher.