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s’étonne : pourquoi tant pleurer ? Si vraiment il l’aime, comment peut-il s’affliger qu’elle soit au Paradis ? Pétrarque se défend : il n’a pas l’âme aussi mauvaise. Il ne pleure que sur lui-même. Il sait que Laure est au ciel.

Mais à lui, comment la vie peut-elle rester tolérable ? Plût à Dieu qu’il eût pu mourir,


à la mamelle et au berceau,
pour n’avoir point connu les tortures d’amour !


La Dame bienfaisante veut guérir ses maux, et elle lui fait connaître le remède. Il lui faudra cueillir des rameaux, semblables à ceux qu’elle tient entre ses doigts. Mais « que signifient ces deux feuillages ? » Laure sourit : Pétrarque aurait certes pu rendre lui-même la réponse ! Un des deux feuillages, pour le moins, lui est bien connu ! Indulgente à son poète, la Dame poétique lui rappelle gentiment le jour solennel, où le laurier a couronné ses tempes. Mais encore, elle doit lui expliquer pourquoi elle tient elle-même dans sa main les deux rameaux. C’est d’abord parce qu’elle a mérité la palme de victoire : elle est victorieuse dans la lutte de la vie : elle a vaincu le monde, et elle s’est vaincue elle-même.

Et par cette victoire aussi, elle a gagné le laurier triomphal. C’est la grâce de Dieu qui, seule, lui a permis de le cueillir. Que Pétrarque soit soutenu par cette grâce, qu’il l’implore, qu’il l’obtienne, et alors, lui aussi, il remportera victoire et triomphe. Et ainsi exaucé, tenant en mains la palme et le laurier, lorsqu’il sera « au terme de la course, » — il pourra rejoindre sa Dame, pour l’Eternité.

Il l’entend. Pourtant, avant qu’elle le quitte, il veut encore lui demander, une chose. Le dialogue devient plus intime. Pétrarque s’étonne ; il ne comprend pas. Il voit sa Dame du ciel, et elle est, par l’aspect, toute semblable à celle qu’il voyait jadis sur la terre, dans le temps


que les cheveux d’or fin se déroulaient à l’aure !


Il veut savoir et il interroge. Ces cheveux blonds qu’il voit là devant lui, ces yeux qui brillent à ses yeux, — sont-ce les mêmes qu’il voyait sur la terre ? Est-ce le nœud d’or qui a étreint son cœur ? Est-ce le soleil de sa vie ?

Elle sourit de nouveau et lui reproche de parler comme le