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Sur un fait si considérable, le rapport officiel de French est des plus explicites :


Le 3 septembre, les forces britanniques étaient établies au sud de la Marne entre Lagny et Signy-Signets. Jusqu’à ce moment, le général Joffre m’avait prié de défendre les passages de la rivière aussi longtemps que possible et de faire sauter les ponts devant moi. Après que j’eus pris les dispositions nécessaires et que la destruction des ponts fut accomplie, le généralissime français me demanda de continuer ma retraite vers un point situé à 12 milles en arrière, en vue de prendre une seconde position derrière la Seine. Cette retraite se fit bien. Pendant ce temps, l’ennemi avait jeté des ponts et traversé la Marne en forces considérables et il menaçait les Alliés le long de la ligne des forces britanniques et des 5e et 9e armées françaises.

Le samedi 5 septembre, je vis le généralissime français sur sa demande. Il m’informa de son intention de prendre l’offensive sur-le-champ ; car il considérait ces conditions comme très favorables au succès. Le général Joffre me fit part de son projet de faire mouvoir sur son flanc gauche, la 6e armée pivotant sur la Marne, de la porter en direction de l’Ourcq, et d’attaquer ainsi la Ier armée allemande, tandis qu’elle avait pris une direction Sud-Est à l’Est de cette rivière. Il me demanda d’effectuer un changement de front à droite, ma gauche s’appuyant sur la Marne et ma droite sur la 5e armée pour remplir la brèche entre cette armée et la 6e . Je devrais alors avancer contre, l’ennemi en face de moi et me joindre au mouvement d’offensive générale. Ces mouvements combinés commencèrent le dimanche 6 septembre au lever du soleil...


On voit, même par ce texte, que la brèche que von Kluck pressentait devant lui a existé, du moins pendant quelque temps. Si l’armée anglaise eût continué de se replier, la brèche agrandie se fût offerte à l’offensive de la 1re armée allemande. Or, Joffre ne pouvait livrer bataille qu’à la condition que son articulation fût assurée. Que la 5e armée se fût portée plus à droite ou que French ne se fût pas décidé à remonter vers le Nord, le trou était béant, et von Kluck passait... Car, tel est le sort des batailles ! Le coup d’œil du chef et son énergie, à la minute suprême, décident de tout.

c) La manœuvre dépendait, maintenant, de l’intervention de la 6e armée (armée Maunoury). C’est la troisième condition que Joffre s’était posée à lui-même. Fixons donc les yeux sur le camp retranché de Paris.

Le général en chef, tout en ayant décidé la retraite vers le