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en effet, avec celle de von Bülow, marchant sur Montmirail, et avec celle de von Kluck isolant les deux armées et l’armée britannique du camp retranché de Paris : par cette « tenaille, » l’aile gauche française eût été entourée et écrasée entre Montmirail et Troyes.

Déjà la partie est engagée de ce côté. Bülow avance en combattant à partir du 4, Joffre suit de l’œil ces rudes combats qui ont succédé de près aux premiers engagements de Montmort et de la ferme d’Arbeux. Au moment où il donne ses ordres définitifs, la bataille du Centre est accrochée.


Nous sommes arrivés, enfin, à l’extrémité occidentale du front de bataille. Joffre va porter de ce côté sa manœuvre : mais von Kluck y développe précisément la sienne qui diffère, comme nous allons le voir, de celle qui a été prévue par le Haut Commandement allemand. La trame demande à être relevée, maintenant, fil à fil.

À partir de l’ébranlement de Guise, le Commandant en chef s’était résolu à resserrer son front et à rabattre von Kluck à l’Est de Paris. Nous avons établi, par la coïncidence des ordres et des exécutions, que cette « conversion vers l’Est » avait été la suite de la bataille de Guise et qu’elle avait été ordonnée dans la nuit du 30-31 août[1]. Le général Joffre l’avait signalée, dès le 1er septembre, au gouvernement qui n’avait pas encore quitté Paris.

Les Allemands avaient, comme nous l’avons démontré, conçu le projet d’un raid de cavalerie sur Paris, justement à cette date du 1er septembre. Les trois divisions de cavalerie du général von der Marwitz, la 4e, la 2e et la 9e, avaient été chargées de l’exécution et avaient reçu l’ordre d’être aux portes de la ville le 2 septembre au matin. Nous avons dit l’échec de cette entreprise au combat de Néry et l’étonnante odyssée des trois divisions de cavalerie dans la forêt de Compiègne[2]. Après l’insuccès d’une de ses idées le plus chèrement caressées, le

  1. Voir notre étude sur la Bataille de Saint-Quentin-Guise, in fine. — M. Millerand vient d’apporter, à l’appui, un télégramme du général Maunoury date du 31 août, à 23 heures 55, et prévenant le général Joffre « que la Ire armée allemande délaisse la direction de Paris. » Ce renseignement, d’une si haute importance, avait été fourni par le rapport de la division de cavalerie du général Buisson.
  2. Histoire illustrée de la Guerre de 1914, tome VIII, p. 170.