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répond seule à cette double nécessité. Donc, tel sera le terrain de la prochaine bataille. Joffre le voit ; il a le courage de le vouloir, d’agir et d’ordonner : voilà ce dont la France et l’histoire lui seront éternellement reconnaissantes.


VI. — LA MANOEUVRE ALLEMANDE

Le lieu de la bataille se trouvant ainsi déterminé, à quelle date sera-t-elle livrée ? Quel sera le jour X ? Ce point dans l’espace et dans le temps sera déterminé par la manœuvre, c’est-à-dire par la volonté du chef s’emparant des nécessités et des opportunités.

Pour suivre ce beau travail intellectuel, ce noble exercice des plus hautes facultés humaines, il faut reprendre maintenant l’exposé des faits militaires à partir du moment où le sentiment d’une rencontre prochaine se fait jour des deux côtés. Il serait impossible d’être clair et d’être complet si, d’une part, l’on faisait abstraction de l’initiative ennemie et si, d’autre part, on ne considérait qu’une partie de l’immense aire du conflit armé. Certains ont distingué entre la bataille de l’Ourcq et la bataille de la Marne. Pourquoi ? L’ennemi avance sur tout le front et l’armée française va au-devant de lui sur tout le front : il faut donc tout embrasser d’un coup d’œil.

Joffre a décidé de prendre son pivot sur sa droite et c’est pourquoi nous avons dû, logiquement, présenter d’abord dans l’Histoire de la Guerre l’exposé des engagements de l’Est : si la droite eût cédé, la bataille de la Marne eût été impossible. Aussi, le Haut Commandement allemand assaille notre droite jusqu’à la dernière minute : dans la nuit du 4 au 5 septembre, se déclenche l’offensive suprême contre le Grand Couronné de Nancy : l’Empereur y commande en personne. Nous savons maintenant qu’elle ne réussit pas : mais le doute était permis, et il devait, en fait, se prolonger pendant plusieurs jours encore. Au milieu de tous ses autres soucis, Joffre y pense constamment ; il a besoin de ses troupes qui combattent en Lorraine ; mais il ne. dégarnira Castelnau que quand celui-ci se sentira vainqueur. En fait, la bataille de la Marne a pour secteur oriental, à partir du 5, la bataille du Grand Couronné.

A la date du 4 septembre, l’offensive allemande sur la Mortagne commence à céder. Joffre en a le sentiment très net,