Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publiée en 1904, avait remis en lumière l’idée du commandant Ferron et concluait ainsi : « Diriger la retraite vers le Sud, c’est le moyen le plus efficace de couvrir Paris contre le danger de voir les forces principales de l’ennemi paraître devant ses murs. »

Cela revient à dire, une fois de plus, que les places fortes ne sont bien défendues que par les armées qui tiennent la campagne à proximité.

Ici, se dégage le véritable trait de génie, — et de caractère, — qui décide du sort de la campagne et cause la bataille de la Marne : Joffre, ayant, grâce au coup de bouloir de Guise, échappé à l’encerclement, au lieu de se replier sur Paris, prend son parti et s’envole vers le Sud.

Tout le secret de sa victoire est là.

Un général médiocre ou faible eût tâtonné, hésité, pris un parti médiocre ou faible. Il eût voulu ménager tout le monde, surtout ceux qui allaient répétant : « Ne fera-t-on pas à Paris l’honneur de se battre pour lui ? » Une retraite derrière le camp retranché de Paris pouvait offrir des avantages temporaires. Même, au point de vue militaire, elle se fût combinée avec le système qui avait longtemps prévalu et qui mettait la ressource suprême de la France dans une campagne derrière la Loire.

Mais le commandement est l’art des sacrifices. Joffre sait que, pour sauver Paris et la France, il doit conserver la liberté de ses mouvements : cette conviction domine tout en lui. La qualité de son esprit et son excellente éducation militaire opèrent à cette heure critique.

Reconnaissons, aussi, l’effet de cette doctrine, fondée sur les principes napoléoniens, mais appliquée aux masses modernes, et qui avait dicté « l’instruction sur la Conduite des grandes unités. » Publiée en 1914, elle avait ramassé, en quelque sorte, au dernier moment, les fruits de l’expérience et des études du Grand Etat-major français.

Quelques-uns de ses articles donnent, d’avance, la théorie de la manœuvre de la Marne :

ARTICLE 6. — L’offensive seule a des résultats positifs.

Les succès à la guerre ont toujours été remportées par des généraux qui ont voulu et cherché la bataille ; ceux qui l’ont subie ont toujours été vaincus