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de l’armée Lanrezac et c’est l’heure où l’armée von Kluck va faire le possible et l’impossible pour profiter de cette circonstance. Le problème se pose donc d’une façon toute différente de ce qui avait été prévu : il s’agit non pas de sauver une position si importante soit-elle, il s’agit de dégager et de sauver l’armée elle-même. Et, encore, il faut se hâter : il n’y a pas une minute à perdre.

C’est ainsi que Joffre est amené, pendant qu’il en est temps encore, à donner à Lanrezae l’ordre d’attaquer à Guise-Saint-Quentin l’armée Bülow qui défile devant lui, tandis que Maunoury, de son côté, frappe un coup à Proyart. Ces deux batailles obtiennent, du moins, un premier résultat : elles dégagent le front français et couvrent le front britannique ; en un mot, elles font avorter la tentative de mouvement tournant. Mais, c’est tout ce qu’on pouvait attendre d’elles. Simples engagements en coups de boutoir, elles ne devaient, à aucun prix, amorcer une bataille générale, qui se fût produite dans les plus mauvaises conditions.

Cependant, le massif de Lassigny-Roye, le massif de Saint-Gobain étaient perdus ; ce boulevard de Paris était abandonné, ne fût-ce que par la retraite de l’armée britannique ; la bataille projetée pour le défendre, la bataille de l’Instruction générale du 25 août n’avait plus lieu.

Quelles dispositions nouvelles le commandement en chef allait-il prendre ? Quel terrain allait-il choisir ?


IV. — LA RETRAITE VERS LE SUD.

Il existait, dans la doctrine militaire française, une tradition remontant aux premières années qui avaient suivi la guerre de 1870-71, alors qu’on déplorait les funestes conséquences du siège de Paris : le commandant du génie Ferron, l’excellent écrivain militaire, qui devint sous-chef de l’État-major général en 1883 et ministre de la Guerre de 1887 à 1889, avait préconisé, dans ses Considérations sur le système défensif de la France, au cas où la frontière serait abordée par la Belgique, une retraite vers le Sud protégée par la ligne des Vosges.

Vers le Sud et non vers Paris. Le général von Cümmerer, dans son Évolution de la stratégie au dix-neuvième siècle.