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l’offensive sur toute la ligne, — qui, il faut bien le reconnaître, répond mieux au caractère français que celle de la simple défensive, — avait prévalu dans les conseils du Gouvernement. Dès 1913 (date à laquelle M. Etienne était ministre), tout était déjà combiné, au cas d’une agression allemande, en vue d’une campagne offensive. »

Les choses paraissent s’être passées ainsi qu’il suit :

Le plan de la campagne défensive-offensive, comportant un recul de vingt à vingt-cinq kilomètres et s’en remettant du sort de la France à une bataille livrée dans la région de Reims, fut abandonné avant 1913 pour des raisons stratégiques qui tenaient principalement au gain obtenu sur la rapidité de la mobilisation. Auparavant, il était admis que l’Allemagne serait prête la première : après une sérieuse révision des transports et des horaires, on s’aperçut que l’armée française pouvait arriver plus rapidement sur la frontière. Ainsi se posa la grave, la très grave question de savoir s’il ne convenait pas de profiter de cette amélioration pour s’efforcer d’épargner au territoire national et aux populations les horreurs de la guerre.

Ce légitime souci s’amalgamait, si j’ose dire, avec la faveur dont jouissait alors la doctrine de l’offensive dans l’enseignement militaire universel.

Enfin, une considération politique d’un grand poids intervint. La Belgique appelait à l’aide. Pouvait-on laisser sans appui le vaillant petit peuple qui accomplissait si loyalement son devoir ?

Pour toutes ces raisons, l’idée de la « Bataille des Frontières » défensive-offensive, sur le territoire national, fut définitivement rejetée. Puisque l’ennemi offrait, de lui-même, en passant par la Belgique, l’occasion de le prendre de flanc, en saisit le joint favorable pour l’attaquer partout à la fois. Ainsi, quand toutes les données du problème furent sur la table, le Haut Commandement français, sentant très bien qu’une puissance telle que la puissance allemande ne serait pas brisée en une fois, prit le parti de l’assaillir à coups redoublés, — et, si possible, de l’empêcher d’atteindre le territoire français. C’est ainsi que la première rencontre, au lieu de se produire sauf la ligne La Fère-Laon-Reims, fut reportée à 80 kilomètres en avant, sur la ligne Charleroi-Virton-Sarrebourg.

Fut-ce un bien, fut-ce un mal ? Mon opinion (je la donne