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t-il, aux principes wilsoniens, selon lesquels aucune indemnité ne doit être payée au vainqueur, ni aucun territoire ne doit lui être cédé. » Il faut à l’Allemagne la liberté du commerce, qui a pour condition la liberté des mers. « Vouloir contraindre l’Allemagne à entrer dans la Ligue des peuples sans une flotte de commerce serait un bouleversement violent dans sa vie économique, qui constituerait une menace pour la paix générale. » Déjà ! « L’Allemagne ne peut pas entrer dans la Ligue des nations sans colonies. » (Mais qui donc la contraint ou seulement l’invite ?) « D’autre part, nous devons nous attendre, gémit M. de Brockdorff, à perdre des parties précieuses de notre propre territoire national. » Avant tout, l’Alsace-Lorraine. Mais l’Allemagne proteste. Elle proteste (quarante-huit ans d’une domination douce ne lui en donne-t-elle pas le droit !) contre la « welchisasation forcée » de la « terre d’Empire. » Elle proteste contre « le plan français d’adjoindre à l’Alsace-Lorraine le territoire prussien de la Sarre et le Palatinat bavarois. » C’est là « de l’impérialisme, qui doit être condamné aussi énergiquement que les anciennes visées des expansionnistes allemands sur les bassins de Longwy et de Briey. » Vaincu, l’Allemand condamne, mais qu’eût-il fait, vainqueur ?

La défaite l’a humanisé en apparence, et le voici sous son nouveau faux-semblant : « Il ne convient pas que l’Allemagne et la France se considèrent toujours comme des ennemies héréditaires et se tiennent en face l’une de l’autre armées jusqu’aux dents. » Toutefois, comme Ebert, comme Scheidemann, comme David, comme tous, le comte de Brockdorff-Rantzau y revient et y insiste. Cette Allemagne aimable, qui va remplacer l’autre, doit être non pas diminuée, mais augmentée. On vient de nous dire ce qu’elle entend ne pas céder, on va nous dire ce qu’elle entend acquérir. « Un État uni est la forme véritable, vitale, la forme naturelle de l’Allemagne. Ni des Suisses ni des Hollandais, nous ne pensons à faire des Allemands. (Grand merci !) Des peuples Scandinaves, nous n’annexerons que les légendes du passé et les poètes du présent. Mais, avec nos frères autrichiens, nous fîmes, jusqu’à la chute du Saint Empire romain, une seule nation germanique. Notre histoire fut commune. Si nous nous retrouvons maintenant ensemble, nous savons que nous entreprenons simplement de corriger une faute commise lors de la fondation de l’Empire. » M. de Brockdorff remet au point M. de Bismarck ; 1919 effacerait 1866 ; et la débâcle de l’Allemagne impériale ne serait que l’occasion ressaisie de refaire la grande Allemagne. Là-dessus, qu’on se le dise, point d’hésitation, point de dissentiment. « Nous sou-