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rible lutte qui a étendu sur le carreau la Monarchie austro-hongroise à côté de l’Empire allemand. Vienne et Weimar y travaillent en commun. A peine élu président de l’Assemblée nationale allemande, le docteur David, socialiste majoritaire, et le plus impérialiste, dans tous les sens du mot, de la Sozial-démocratie impériale, a appuyé, dans son remerciement, sur cette pensée qu’il savait au bord de toutes les lèvres ou au fond de tous les esprits : « La nation sœur, l’Autriche allemande, appartient aussi au pays et au peuple allemands. J’espère pouvoir bientôt souhaiter ici la bienvenue en qualité de collègues aux députés de l’Autriche allemande. (Approbations et applaudissements enthousiastes. ) » Auprès d’ovations aussi unanimement délirantes, on peut négliger l’épisode burlesque d’une soi-disant délégation d’Alsace-Lorraine qui se présentait conduite par l’ancien ministre de la Guerre prussien, Alsacien renégat, le général Scheuch, et qui demandait à être admise à l’Assemblée de Weimar, sans autre mandat que celui qu’elle s’était elle-même donné, la « tyrannie française » ayant interdit toute élection dans ce qui fut « le territoire d’Empire. » Si grossier que soit le sens allemand, il a quand même perçu le ridicule d’une farce par trop forte, et l’on a renvoyé chez eux, dans leurs domiciles de la rive droite du Rhin, ces prétendus représentants de l’Alsace-Lorraine, reconnus indésirables sur la rive gauche.

L’Assemblée une fois constituée, le secrétaire d’État à l’Intérieur, docteur Preuss, a développé l’exposé des motifs de son projet de loi sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics. Il a naturellement commencé par définir le Reich, l’Empire, qui est, a-t-il dit, « l’ensemble du peuple allemand, » et par définir cet ensemble, que complétera, a-t-il ajouté, « l’accession de nos frères allemands d’Autriche. » Le peuple allemand se sent porté, par la force des événements, et comme par une espèce de fatalité issue d’eux, vers « une unification plus achevée. » « C’est, fait observer le ministre, non seulement une impulsion du sentiment, mais la conséquence d’une dure nécessité matérielle. Si l’Allemagne, après tout ce qui est arrivé, veut de nouveau compter parmi les nations, elle doit plus que précédemment renforcer son unité et sa puissance. » On a bien lu, et il importe de bien lire : après tout ce qui est arrivé. Après la guerre, après la défaite, après la révolution, malgré « tout ce qui est arrivé, » à cause de « tout ce qui est arrivé, » l’unité allemande, la puissance allemande, ne peuvent pas être affaiblies, elles doivent être renforcées. Le docteur Preuss entonne à son tour l’hymne du