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serait bien ingrat, s’il n’en montrait de la reconnaissance, ! Avec la paix, le peuple allemand réclame, — il ose réclamer, — « la justice. » Il prie les peuples, hier ses ennemis, de ne pas détruire en lui toute espérance, « en opprimant sa vie économique. » Et ce serait l’opprimer que de le contenir dans ses limites de 1866 ). Loin de consentir à perdre quoi que ce soit pour avoir perdu la guerre, il faut qu’il y ait gagné quelque chose. Ebert l’a déclaré franchement : « Nous ne songeons pas non plus à renoncer à réunir la nation allemande tout entière dans le cadre d’un seul État. Je suis certain de parler selon le sentiment de toute la nation en saluant sincèrement et avec joie la manifestation de l’Assemblée nationale de l’Autriche allemande et en y répondant avec la plus cordiale amitié. Nos camarades de race et de destinée peuvent être assurés que nous leur souhaitons la bienvenue dans le nouvel État de la nation allemande, les bras ouverts et le cœur joyeux. L’Allemagne ne peut plus retomber dans l’ancienne misère d’émiettement et de rétrécissement ; seule une Allemagne grande et unie peut nous apporter une vie économique florissante. »

Enfin, comme si Goethe et Kant ne suffisaient pas, le gouvernement des Commissaires du peuple se raccrochait à Fichte, et, lui empruntant sa musique, — n a-t-on pas dit ses leitmotiv ? — affirmait vouloir, à sa suite, « ériger l’État de droit et de vérité fondé sur l’égalité de tous les humains. » Plusieurs passages de ce discours inaugural ont été vigoureusement applaudis, quelques-uns même acclamés ; un seul a soulevé des protestations timides et comme retenues : c’est celui où Ebert assurait que le temps des rois et des princes était « à jamais fini. »

Dans le même instant, — car il s’agit d’une opération concentrique, — « l’Assemblée nationale provisoire de l’Autriche allemande » dirigeait ses yeux et ses vœux vers Weimar, c’est-à-dire encore vers Berlin. Son président, Dinghofer, donnait lecture d’une résolution des représentants des partis, saluant l’Assemblée constituante de la République allemande, qui venait de se réunir, et « exprimant l’espoir qu’elle réussira, d’accord avec le Parlement de l’Autriche allemande, à renouer le lien rompu de force en 1866, réalisera de la sorte l’unité et la liberté du peuple allemand, et unira pour toujours l’Autriche allemande à la patrie allemande. » Cette union, cette réunion, l’unité de « toute la patrie allemande, » la reprise de l’idée du Gross-Deutschland, la réparation de « la faute » de Bismarck qui, par Sadowa, avait expulsi’l’Autriche de l’Allemagne, voilà le grand objet et le grand dessein, au sortir de la ter-