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du catholicisme. Or, il les a menés jusqu’à Saumur. Après cela, que vont-ils faire ? S’ils continuent de vaincre et d’avancer, ils gagneront du terrain, du monde à la cause du catholicisme. Ils n’ont, pour vaincre, ni le nombre, ni l’armement, ni la discipline ; et ils manquent de chefs. Ils ont, pour vaincre, la force des héros qui ne craignent rien, pas même de mourir. Et l’historien se consulte : « Doit-on souhaiter leur victoire définitive, qui serait peut-être le brisement de l’unité nationale ? » Cathelineau devient le chef principal. Angers est occupé. Les Vendéens marchent sur Nantes ; c’est là qu’ils sont vaincus. L’armée vendéenne se retire ; ses longues files descendent la route d’Ancenis. Cathelineau a succombé ; ses fidèles l’ensevelissent sur la colline de Saint-Florent... Imaginez, à Nantes, au lieu d’une défaite, une victoire. Nantes prise, la Bretagne se soulève... Cela ne se pouvait pas ? Les historiens qui font de l’histoire une science analogue à la chimie ou à la logique n’admettent pas une éventualité qui ne s’est pas réalisée ; on les dirait dans le secret des choses : tout bonnement, ils savent ce qui advint et nient le reste, sans difficulté... « Oui, la Vendée est victorieuse ; mais elle n’est victorieuse que pour être absorbée. L’Angleterre, qui l’ignorait, la connaît et ne la connaît que pour occuper ses ports. L’émigration, qui ne savait rien d’elle, lui impose ses petitesses. L’étranger prétend la discipliner et l’assujettir à ses lois. Du rôle de soldat de Dieu, elle descend à celui d’instrument de la contre-révolution, et d’une contre-révolution si étroite, si égoïste, si périlleuse que les insurgés eux-mêmes, par une vive et naturelle réaction de leur âme française, l’eussent bientôt désavouée. J’aime mieux la Vendée vaincue. J’aime mieux l’humble cortège qui gravit la colline de Saint-Florent et y dépose tout près de la terre natale le héros expirant. J’aime mieux les dévots paysans des Manges, fixant pieusement sur la poitrine de leur chef mort l’image du Sacré-Cœur et l’ensevelissant dans sa tunique sanglante comme une vierge en sa robe immaculée... » Cette pathétique méditation s’achève en ces termes admirables : « Pour l’honneur du nom chrétien, il était bon qu’il y eût une Vendée. Pour l’unité de notre histoire, pour le renom futur des révoltés sublimes, il valait mieux, je crois, que cette Vendée succombât. La vocation divine de la nation française voulait tout à la fois cette résistance et cette immolation, c’est-à-dire des rebelles qui fussent des martyrs, non des victorieux. » Une telle page, d’un tel accent, pleine d’une pensée soumise à Dieu et riche de songer à Dieu, est de celles qui demeurent dans la mémoire. Les ennemis des