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Mais elle a raison, l’histoire ; et les rois qui ont été les plus habiles gérants de leurs États sont les seuls qui méritent l’estime et la reconnaissance des peuples ?... « Une place reste vide, celle de la souffrance, mais d’une souffrance si saintement supportée qu’elle attire, resplendit et, à travers l’humiliation même, retrouve et rejoint la gloire. C’est cette place que Dieu, qui frappe et relève, réserve à Louis XVI. Il va la prendre, cette place auguste, celle du roi qui expie et liquide tout l’arriéré des dettes de sa race envers Dieu... Il semblera que l’unique vocation de cet homme, tout passif, mais passivement sublime, ait été de toute éternité de porter héroïquement la souffrance expiatrice... » Mais il expie et pour sa race et pour lui, tout son peuple avec lui ?... « Et plus le prince souffrira, plus il grandira, plus il s’affermira dans sa mission qui est de payer, pour son siècle, pour sa dynastie, pour son peuple. » Ces trois derniers mots, terribles et qu’on n’adoucit pas, rétorquent vos objections.

Si l’on ne cherche dans l’histoire que le bonheur de l’humanité, l’on est déçu comme on l’est dans une vie où l’on ne cherche que plaisir. Il n’y a point, au cours des siècles, une époque heureuse : les époques les moins malheureuses y attrapent l’indulgence et, par la comparaison plus tard et par l’envie, de fausses renommées d’âges d’or. Il n’y a point de peuples qui aient été longtemps bien gouvernés. Il n’y a point de régimes qui n’aient commis de fautes impardonnables. Et il est trop facile de supposer que les régimes et les rois fussent les seuls coupables, si jamais les peuples n’ont-cessé d’être durs et cruels à eux-mêmes. Regardée avec l’unique souci du bonheur, l’histoire est scandaleuse et ridicule, par l’infamie qu’on y découvre et par l’échec continuel d’un zèle forcené. M. Pierre de La Gorce, après avoir raconté la journée du 20 juin, constate que cet épisode appartient à l’histoire religieuse : « Il lui appartient par la seule chose qui vaille la peine que l’histoire soit écrite, c’est-à-dire par le spectacle d’une âme plus forte que le péril. » Cette pensée, si belle, contenterait aussi les stoïciens : elle est chrétienne, chez M. Pierre de La Gorce.

L’Histoire religieuse de la Révolution française est l’histoire de la religion, des prêtres et généralement des personnes religieuses pendant la Révolution, comme une histoire militaire de la Révolution serait l’histoire des armées de la République. L’auteur accepterait probablement que son Histoire fût appelée « religieuse, « pour l’esprit dans lequel il l’a conçue et composée. Ce qu’il a vu et ce qu’il montre, parmi les tribulations épouvantables qu’il relate, c’est une