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(180 jours par an) atteignait, suivant les auteurs, entre 6 et 9 millions de chevaux. Aujourd’hui, on nous parle de 10 millions pour la puissance hydraulique correspondant aux débits moyens de nos cours d’eau, dont un tiers dans les Alpes. La seule énergie hydraulique des Alpes pourrait ainsi fournir, en fonctionnant nuit et jour, pendant toute l’année, 27 milliards de chevaux-heure : 5 milliards en travaillant une dizaine d’heures par jour, la moitié de l’année. A 2 kilogrammes de charbon par cheval-heure, cela ferait, pour toute la France, 30 millions de tonnes de houille par an...

Que faut-il penser de ces chiffres ? Un peu sans doute ce que l’on penserait d’une appréciation minière où, pour évaluer nos ressources en houille, on additionnerait sans discussion toutes les veines de charbon enfouies dans le sol jusqu’à 1 500 mètres de profondeur. Ils doivent être exacts, peut-être même modérés d’une façon absolue, et quand on envisage un avenir très lointain. Pour la période de temps qui nous intéresse ici, mieux vaut, ce nous semble, envisager comme un idéal difficile à atteindre, 3 ou 4 millions de chevaux, dont 1,5 dans les Alpes et 1 million dans les Pyrénées. Avoir de la houille blanche ne compte, nous ne cessons de faire cette distinction essentielle, que le jour où on peut l’utiliser avec bénéfice. La seule évaluation légitime consisterait à estimer, dans chaque cas, le coût de l’installation, le prix de revient du cheval-vapeur et, par suite, celui de tels ou tels produits fabriqués ; enfin, le prix auquel ces mêmes produits pourraient être vendus. N’est économiquement utilisable que la chute susceptible, dans ces conditions, de payer au moins, outre les taxes et impôts, l’intérêt de l’argent et l’amortissement. C’est une estimation industrielle extrêmement délicate à répéter dans plusieurs milliers de cas. Je ne la tenterai pas, cela va de soi.. Mais une remarque générale me paraît avoir sa valeur. Quoiqu’on accuse nos capitalistes de pusillanimité, il est néanmoins bien rare qu’une affaire vraiment séduisante d’un genre aussi connu ne trouve pas vite des amateurs et, quand on suit de près l’histoire de nos industries, on en voit plutôt naître un grand nombre qui borneront toute leur existence éphémère à avoir donné des promesses. Surtout dans un moment comme celui-ci, où l’esprit d’invention et de hardiesse est surexcité, les entreprises, non pas seulement exécutées ou en voie d’exécution,