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Présentées sous cette forme, les revendications et les programmes des régionalistes sont de nature à compromettre une cause, dont, par ailleurs, la justice ne saurait être discutée. Les partisans de l’unité nationale seraient tout naturellement amenés à repousser tout régime transitoire, s’ils étaient autorisés à supposer que ce provisoire dût se perpétuer. Le régionalisme est parfaitement défendable. Il ne peut cependant pas être question de profiter des conditions exceptionnelles dans lesquelles s’opère le retour de l’Alsace et de la Lorraine à la France, pour tenter de l’imposer à tout le pays. Les anciens annexés n’entendent nullement prendre impérativement position dans le débat. Ils reconnaissent que l’unification de la législation est le but ultime à poursuivre. Ils insistent simplement sur l’impossibilité qu’il y aurait à la réaliser sans tenir compte de leurs intérêts matériels et moraux. Le régionalisme comptera peut-être de nombreux adeptes dans leurs rangs. Pour l’heure, ils n’en font pas, collectivement, un des principaux articles de leur programme. Qu’on veuille donc bien les laisser en dehors de la querelle, pour ne pas leur créer artificiellement des hostilités, dont ils seraient seuls à payer les frais et à subir le contre-coup.

Chez les tenants de l’introduction immédiate et complète des lois françaises en Alsace-Lorraine, on découvre surtout la préoccupation d’introduire au plus tôt dans les pays reconquis la laïcité de l’enseignement et la séparation des Eglises et de l’État. Peu leur importe qu’au point de vue administratif, économique et social, des exceptions soient étudiées et décrétées. Pour eux, tout tourne autour de la question religieuse. Ils ont beau s’en défendre ; c’est là leur unique préoccupation. À cette obsession ils sacrifient toutes les considérations d’ordre pratique qui, par ailleurs, devraient les arrêter. N’ont-ils pas, pour ne citer que cet exemple, proposé, afin d’arriver plus sûrement à leur but, de revenir, immédiatement après la conclusion de la paix, à l’ancienne délimitation des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ? Le projet semble, à première vue, séduisant, puisqu’il effacerait les dernières traces du traité de Francfort. Quelles en seraient cependant les conséquences ? Si le territoire de Belfort était incorporé au Haut-Rhin, si le canton de Saales faisait retour au département des Vosges, si, sur les frontières de Meurthe-et-Moselle, des