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est formel sur ce point. Quelques mois après, « Feli » faisait sa première communion.

Nous connaissons encore une fois trop mal tout le détail de ces démarches intimes pour avoir le droit de les juger avec quelque rigueur. et c’est dommage, car on pressent que ce premier Lamennais nous éclairerait singulièrement le second. Est-il pourtant bien téméraire de présenter, à propos de cette évolution religieuse, les observai ions suivantes ? Et d’abord, parmi les troubles, les incertitudes et les incohérences de cette longue période d’incroyance, il ne semble pas, comme pour Pascal ou Chateaubriand, par exemple, qu’il y ait eu de « crise » à proprement parler, — une de ces crises douloureuses et fécondes d’où l’âme sort totalement transformée. D’autre part, ce mouvement qui, après avoir détaché Lamennais du catholicisme, l’y ramène progressivement, c’est le mouvement même de la pensée contemporaine, et l’on sait qu’à cet égard son cas est alors légion. Bien mieux, c’est dans sa propre famille qu’il trouve des exemples, des exemples contagieux de ces retours : son père, surtout son oncle des Saudrais, qui avaient jadis trempe dans le schisme constitutionnel, reviennent aux « préjugés » d’autrefois. Lamennais a subi toutes ces influences, générales et familiales, comme il a subi celle des livres qu’il a lus ; son histoire morale n’est que l’écho de celle d’alentour. On dirait même, — faut-il aller jusque-là ? — que ses convictions religieuses ne sont pas le prolongement nécessaire de sa vie intérieure, qu’elles ne répondent pas à un besoin profond, impérieux de son âme, qu’elles lui sont comme imposées ou dictées, ou suggérées du dehors, et qu’il les accepte, sur la foi d’autrui, comme un système d’idées plus satisfaisant pour l’esprit que pour le cœur. Ce violent, comme beaucoup de violents, était un faible ; il était peut-être incapable de trouver en lui-même le principe de discipline spirituelle dont sa haute nature lui faisait éprouver la nécessité. Lin dépit des apparences, peu d’hommes ont été plus soumis aux influences, aux circonstances extérieures, et ce dur logicien a peut-être été, plus que le commun des poètes et des artistes, livré aux surprises de sa sensibilité.

C’est pour cette raison sans doute qu’il hésita si longtemps à se ranger au parti qui devait décider de sa vie. Converti à vingt-deux ans, en 1804, ce n’est qu’à trente-quatre ans, en 1816, qu’il fut définitivement ordonné prêtre. Faut-il voir dans