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L’OPINION ALLEMANDE
PENDANT LA GUERRE

IV [1]
LA SUPRÊME DÉSILLUSION. — LE DÉSESPOIR


L’OFFENSIVE FRANÇAISE

Le 15 juillet 1918, l’offensive allemande échoua sur le front de Champagne. L’opinion eut le pressentiment de la catastrophe. Elle ne conçut pas du premier coup le naufrage où allait sombrer l’Allemagne, mais la nouvelle des premiers revers l’épouvanta, et, dès lors, les doutes qui depuis longtemps l’obsédaient, se changèrent en une angoisse, toujours plus douloureuse, toujours plus étouffante à mesure que se multipliaient les signes du désastre.

Les administrateurs de l’esprit public recourent tout de suite à ce système de mensonges, d’atténuations et de réticences, grâce auquel on a jadis caché les défaites de la Marne et de l’Yser, pallié celles de Verdun et de la Somme. Pendant la seconde quinzaine de juillet, les communiqués officiels et les notes non moins officielles de l’agence Wolff renouvellent la « manœuvre morale » que le Grand Quartier a si souvent pratiquée dans les jours difficiles. Le communiqué du 16 juillet constate qu’à l’Est de Reims, l’ennemi a pu se dérober à l’attaque, mais il annonce le glorieux passage de la Marne, la capture de 13 000 prisonniers, d’innombrables exploits d’aviateurs ; c’est un bulletin de victoire. Le lendemain, le ton est

  1. Voir la Revue des 1er et 15 novembre et 1er décembre.