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RÉCEPTION DE M. BARTHOU
À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

Le 6 février, M. Louis Barthou a pris place à l’Académie ; il y succède à M. Roujon, qui avait lui-même remplacé M. Barboux. Le public était, comme toujours, fort nombreux. Peu d’uniformes. La paix approche. Seules les femmes, coiffées de métal, gardaient encore un aspect guerrier. Des étoiles d’argent luisaient au milieu des zibelines. L’ensemble était sérieux et sévère.

A une heure, comme à l’ordinaire, on a entendu les tambours. M. Donnay est entré le premier et a pris place au fauteuil du directeur. M. Boutroux s’est assis à sa droite, M. Frédéric Masson à sa gauche. M. Boutroux porte l’habit fermé jusqu’au col. Sa figure, sculptée par la pensée, est achevée par une brosse de cheveux hagards. M. Masson porte l’habit déboutonné ; la chemise redondante se gonfle hors du gilet ouvert ; et la lumière qui tombe de la coupole éclaire le mouvement de sa moustache circonflexe.

M. Barthou prend place entre M. Poincaré et M. Pierre Loti. Il est de taille moyenne, mince, brun. On voit un grand front bombé sur lequel les cheveux déjà moins nombreux descendent en deux petits bandeaux accolés, en colonne double de compagnie. Les sourcils sont froncés, et toute la figure paraît se concentrer derrière le lorgnon. Le nez, qui se relève, participe à cet esprit d’attention qui est sur tout le visage ; une petite barbe achève la physionomie. Ayant reçu la parole, M. Barthou remonte son épaule gauche qui le gêne, et il commence à lire, d’une voix bien timbrée. Il coupe les phrases, comme s’il expliquait une vérité difficile. Il affirme les finales et enfonce les trois dernières syllabes, qui impriment dans sa main trois secousses aux feuilles de son discours. Par une habitude d’homme