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de dollars, rien de positif n’a été fait : les pédants bornés de l’Etat-major général refusent d’écouter les avis du maréchal Joffre ; on ne peut rien attendre de « l’incurable sottise des Américains <ref>. » L’énorme accroissement en avril et mai des torpillages exaspère encore cette nervosité et aggrave l’injustice des critiques. On réclame avec violence l’établissement d’un plan général et complet de coopération avec les Alliés. On combat la campagne qui se déclenche dans la presse germanophile et pacifiste. Celle-ci exalte la modération de l’Allemagne, prête à soumettre des conditions de paix acceptables, et qu’il ne faut pas irriter. Le moment est venu de proposer la médiation. Le Sun, le Cleveland Plain Dealer, d’autres journaux réagissent contre cette campagne et « l’optimisme illogique et dangereux » trop général, et qui fait croire que l’effort des États-Unis peut se borner à prêter de l’argent, planter des pommes de terre et fabriquer des munitions. — Non. Il faut sans tarder envoyer des troupes régulières en France, construire par milliers des aéroplanes, des bateaux pour remplacer le tonnage coulé, intensifier la production pour ravitailler les Alliés, combattre l’effroyable gaspillage qui est le vice des États-Unis, restreindre toutes les consommations, augmenter l’armée, venir en aide à la Russie, reformer le, front d’Orient. — Pour l’armée, dès le 18 mai, c’est chose faite : elle est portée à 5 000 000 d’hommes : pour les aéroplanes, disent ces journaux, on perd encore un temps précieux en interminables tâtonnements qui ne donnent rien : pour la marine marchande, la situation est encore plus grave : la construction des bateaux devient un terrain de combat entre les intérêts de l’acier et les intérêts du bois ; et des mois s’écoulent en vains débats sur la supériorité de l’un ou de l’autre. M. Denman, chef du Shipping Board, préconise le bois parce que la construction sera plus rapide, que les chantiers, inutilisés, existent, et que cette main-d’œuvre inoccupée participera au commun effort ; le général Gœthals, le grand ingénieur du canal de Panama, son associé, veut l’acier, et se moque publiquement de lui ; dans un discours, il affirme que les oiseaux chantent encore dans les arbres qu’on destine à la construction de la flotte. Seul l’acier, dit-il, fournira des bateaux assez rapides pour échapper aux sous-marins, assez grands, assez solides. La matière ne fera pas défaut : on produit trente millions de tonnes d’acier par an. Ce n’est