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à des réalités. Entre ces réalités et l’interprétation tendancieuse qu’on en tire il faut soigneusement distinguer dais tout le cours de cet exposé.


LES ARGUMENTS FINANCIERS ET ÉCONOMIQUES DE LA PROPAGANDE GERMANIQUE

Il est impossible de suivre toutes les insinuations dans la masse américaine de cette propagande. Je m’en tiens aux plus importantes ; et tout d’abord à l’affirmation, si troublante pour la masse socialiste et tout le sentiment démocratique américain, que cette guerre est la guerre de Wall Street, des financiers et des capitalistes coalisés du monde entier, un impérialisme déguisé aussi immoral que l’impérialisme prussien, et dont le peuple américain dupé fait les frais. Cette propagande, la plus dangereuse de toutes, dure encore. Il faut exposer avec quelque détail les faits, d’ailleurs exacts, qu’elle allègue à l’appui de sa thèse tendancieuse.

Pourquoi les États-Unis ont-ils rompu la neutralité ? C’est surtout, disent ces propagandistes, parce qu’elle ne paie plus, et que les barons de l’industrie, les financiers de Wall Street ne gagnent plus d’argent. Ce sont eux, leurs instruments ou leurs dupes, qui, seuls, précipitent le pays dans la guerre. A une prospérité inouïe qui, jusqu’au milieu de 1916, n’a cessé d’augmenter, succède une crise grandissante. Seule la paix, qu’ils imposeront par les armes, s’il le faut, peut la conjurer

Les causes de cette crise sont multiples.

Et d’abord, l’équilibre financier est rompu aux États-Unis. C’est en leur rendant les titres américains que détiennent les peuples alliés que l’on a garanti les emprunts et couvert les achats. Plus de sept milliards de titres ont été ainsi jetés sur le marché intérieur. Il en est résulté qu’au bout d’un certain temps les États-Unis ont cessé d’être débiteurs de l’Europe, et qu’il y a eu pléthore de titres et excès d’or. Par un phénomène invariable qui suit l’augmentation de la quantité d’or dans un pays, sa puissance d’achat diminue, et le prix de la vie augmente proportionnellement. Or, les États-Unis, dès 1916, détiennent plus d’un tiers de tout l’or du monde. Une grave erreur initiale de la politique financière de l’Entente a préparé la crise. La guerre a surpris les États-Unis à un moment de