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Souviens-toi, souviens-toi quand nous mêlions nos voiles,
Quand, sur les mêmes eaux, sous les mêmes climats,
Nos fleurs-de-lis et les étoiles
Claquaient ensemble au haut des mâts !

Par la faute du Russe un poids affreux retombe
De l’Orient sur l’Occident.
Soissons est dépassé, Château-Thierry succombe.
De Dunkerque à Bel fort le sol n’est qu’une tombe
Et le ciel un dôme strident.

Viens, ne perds pas un jour, l’Europe se déchiffre,
Mais tu n’es pas si loin, notre sort est pareil :
Tu n’es qu’à l’autre bout de ce pauvre navire
Qui fait foule autour du soleil.



L’Amérique embarque et les câbles
Grincent autour des cabestans.
Les vaisseaux anglais impeccables
escortent les convois flottants.

L’ennemi bombarde Compiègne.
Et la nymphe qui sommeillait
Sous l’écorce de l’arbre, saigne.
Nous sommes à la mi-juillet.

Tous les poids sont dans la balance
Or et charbon, pétrole et fer,
Soldats, bétail et blés d’hiver.
Minuit sonne dans le silence.


III

DERNIERS MOIS


L’eau sous les ponts coulait
Comme affaiblie et lasse,
Car c’était la saison où la rivière est basse.
Un rayon par endroits filtrait sous un volet