Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/845

Cette page a été validée par deux contributeurs.
841
LES MERVEILLEUSES HEURES D’ALSACE ET DE LORRAINE.

anciennement sous le « bon roi Louis Philippe, » sous « l’Empereur Premier. » Les pompiers jetaient avec mépris la coiffure allemande pour reprendre le vieux casque de cuivre du temps de Napoléon III et les étudiants la casquette des universités allemandes pour arborer un béret de velours « à la mode de Nancy. » On peut dire que soudain toute la France ressortait des placards, des caches, des trous. Les enfants se groupaient, encore en secret, car cela commença dès le 11, autour d’un « vieux à barbiche » qui leur apprenait la Marseillaise, paroles et musique, quand les parents n’y suffisaient point. Le « comité des fêtes du retour » de Schillick, faubourg de Strasbourg, se réunissait ainsi déjà depuis des semaines pour combiner des projets d’ornementation et y rapprendre, en sourdine, le chant national. Et tant d’autres !

Dans les petits bourgs, on ne savait si les soldats de France entreraient, s’ils ne laisseraient pas de côté, suivant la grande route, le modeste village. Mais on se satisfaisait personnellement en préparant pavois et costumes. C’était le cher pays de France qu’on faisait déjà renaître en Alsace, et si les Français n’entraient pas le 17, le 18, dans chaque petit bourg, toute la France allait entrer qui partout devait rencontrer sa fille retrouvée sous les couleurs françaises.

Et on l’attendait le cœur battant d’amour et avec un sourire où des larmes étaient en suspens.

Louis Madelin.
À suivre.