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largement possible la protection des chrétiens opprimés ; travailler à les relever d’une condition misérable ; semer au moins des germes de pensée civilisatrice sur un sol que la culture chrétienne avait préparé à les recevoir. Confiante en cet idéal et en ses jeunes forces, il semble qu’elle se soit inspirée par avance de cette parole de son Pascal : « Le propre de la puissance est de protéger. »

Le texte des traités ne contient à cet égard qu’une part singulièrement limitée de la vérité historique. Ni dans les capitulations de 1536, ni dans celles qui suivirent à sept reprises, durant deux siècles, il n’est rien stipulé qu’en faveur des Français, et des étrangers « amis de la France. » Ce sont eux seuls que le traité soustrait à l’administration et à la justice ottomanes pour être désormais administrés et jugés par les consuls de France. Ce sont eux seuls que concernent les autres privilèges inscrits dans ces actes, liberté de commerce avec la Turquie « sous la bannière de France, » liberté de pratiquer leur religion et d’accéder aux Lieux-Saints. Des sujets du sultan il n’est pas question. Mais si, en ces traités solennels, le négociateur ottoman n’a pas jugé possible de restreindre les droits du Grand-Seigneur sur une large catégorie de ses propres sujets, tout prouve que le sultan nous a laissé en fait, bien qu’avec une bonne volonté variable, une faculté d’immixtion qu’il ne lui convenait pas de nous accorder expressément, même quand il en éprouvait, lui aussi, le bénéfice. De notre côté, dès le début, notre diplomatie, attentive aux possibilités, sut toujours, sans manquer au pacte d’amitié, déborder les droits qui nous étaient officiellement reconnus pour exercer une action protectrice plus ou moins accentuée sur les diverses communautés chrétiennes.

La correspondance de nos ministres des Affaires étrangères et de nos ambassadeurs à Constantinople témoigne d’une remarquable persévérance dans cette idée directrice. On lit dans les instructions données en 1639 « au sieur de La Haye Ventelaye s’en allant ambassadeur en Levant » : « Le premier soin donc, qu’aura ledit sieur ambassadeur, pendant qu’il sera par delà, sera de protéger et assister les chrétiens et les catholiques du Levant, autant qu’il lui sera possible, interposant le nom et l’autorité de Sa Majesté partout où il jugera le pouvoir faire utilement pour leur bien et soulagement... »

Dix ans plus tard, sous la signature de Louis XIV encore