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une nationalité ottomane, les vieilles cloisons subsistent jusque entre les moindres églises de la chrétienté orientale ; et ce grand nom de nation est celui que se donnent couramment Maronites, Grecs-orthodoxes et Grecs-melchites, Arméniens-grégoriens et Arméniens-unis, Syriens-jacobites et Syriens-unis.


C’est avec le souverain absolu d’un empire ainsi fondé sur la plus absolue des religions que le Roi très chrétien contractait alliance. Du même coup, en la personne de la France, la chrétienté indépendante rentrait en contact avec la chrétienté sujette, celle-ci en grand besoin d’être assistée, celle-là heureuse d’exercer une assistance où elle trouvait, avec la satisfaction d’un sentiment profond, l’apaisement d’un scrupule. A la faveur d’une alliance toute politique entre empires que la religion avait faits ennemis, notre protection d’autrefois allait se faire sentir encore aux chrétiens en Orient, mais dans des conditions toutes nouvelles.

Et d’abord, le Grand-Seigneur ne prenait pas autant d’ombrage qu’on eût pu le croire de notre immixtion dans les affaires de ses sujets chrétiens. Ses principes mêmes, en limitant la société civile à la société religieuse, le portaient à n’administrer ces populations qu’indirectement comme étrangères à l’Islam ; il pouvait dès lors trouver acceptable que le Roi de France, devenu son ami, ne restât pas, en pays musulman, indifférent à leur sort. Tout serait d’ailleurs question de mesure, question de temps et de lieu. — En ce qui concerne les étrangers, pèlerins ou marchands, voyageurs ou résidents, sujets des autres puissances chrétiennes, la France, en obtenant la charge et l’honneur de les protéger à l’égal des siens propres, ne rencontrait pas encore la compétition de ces puissances, moins portées alors à jalouser son privilège qu’à profiter du bienfait qui en résultait pour leurs nationaux. -— La France avait aussi, cela va de soi, le concours moral de Rome, intéressée à ce que la protection dont elle avait besoin pour ses missionnaires et ses pèlerins aux Lieux-Saints eût la stabilité d’une institution fondamentale.

Enfin et surtout, la France avait conscience d’une belle tache à remplir : user de la suprématie pacifique que lui assurait dans le Levant le traité de 1536 pour y assumer le plus