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voulu admettre, tout d’abord, à ces grandes assises, que les nations alliées ou associées, et, pour autant que leurs intérêts seront engagés dans les débats, les nations demeurées neutres. Vous avez pensé que les conditions de la paix devaient être arrêtées entre nous avant d’être communiquées à ceux contre qui nous avons ensemble combattu le bon combat. » Parmi les nations alliées ou associées elles-mêmes, une distinction a été faite, qui s’est marquée pratiquement par le nombre des délégués admis à les représenter. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et le Japon se sont réservé à chacun cinq sièges : les autres pays en ont obtenu chacun trois ou chacun deux. Le critérium semblait devoir être la part prise effectivement à la guerre ; en dernier ressort, la mesure de l’intérêt que chacun peut faire valoir dans les arrangements qui s’élaborent est la considération qui a prévalu. Il eût été pourtant inique et imprudent de ne pas tenir compte de certains titres. La Belgique et la Serbie, à qui l’on n’avait accordé que deux représentants, ont réussi, sur leurs réclamations pressantes, à en avoir trois. Mais l’exception a confirmé la règle ; et, en posant cette règle, la Conférence a divisé le monde en « Puissances à intérêts généraux » et « puissances à intérêts particuliers. » Comment, en effet, aurait-on continué à dire, à l’ancienne mode, les « grandes » et les « petites » Puissances après avoir si souvent proclamé, avec le Président Wilson, l’égalité en droit de toutes les Puissances grandes et petites. On a donc pris une autre manière d’exprimer une situation de fait qui n’a pas changé. Les cinq Puissances à intérêts généraux, États-Unis, Grande-Bretagne, France, Italie, Japon, se sont trouvées naturellement constituées en directrices de la Conférence, chacune d’elles y ayant au reste, malgré leur égalité théorique, des délégations numériquement inégales. La Grande-Bretagne, tirant argument du rôle glorieusement actif joué dans la guerre par ses Dominions, a fait composer à ses propres délégués, aux cinq plénipotentiaires qui représentent spécialement le Royaume-Uni, une escorte formée de dix autres membres, deux par Dominion, auxquels pourraient encore s’adjoindre l’émir Faïçal et son second, pour le jeune royaume arabe du Hedjaz : au total, dix-sept représentants. Les délégués des deux Amériques du Centre et du Sud gravitent moralement dans l’orbite des États-Unis de l’Amérique du Nord. On n’aperçoit pas le motif qui a empêché la France d’être, par analogie, accompagnée au moins de ses protectorats, Tunisie et Maroc. Il n’importe guère, dira-t-on, car, quel que soit le nombre des délégués, chaque Puissance, au vote, n’aura qu’une voix, et les décisions